Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« lyrisme objectif », et il laisse entendre que créer des œuvres animées de ce principe ce sera réaliser un progrès sur l’art classique et l’art romantique, auxquels d’ailleurs il ne refuse pas de rendre justice.

« Notre époque, dit-il, n’est plus faite pour cette poésie de sentiment qui fut la poésie du passé, ni pour le simple lied apparenté à la musique. Dans cet ordre de productions, le passé nous a laissé des œuvres parfaites et immortelles, et le poète de nos jours qui tenterait d’en recommencer de semblables ne pourrait plus être qu’un pâle imitateur. Que l’on remplace donc cette poésie de sentiment par une poésie toute d’action et de caractère qui corresponde à la vie de notre époque ! »

On se demandera ce que cela peut bien être qu’une poésie lyrique « toute d’action et de caractère » ; la tentative fut faite, cependant. Plusieurs jeunes poètes se sont dit qu’il fallait en effet choisir des sujets qui fussent de notre temps, qu’il fallait écrire des poèmes qui pussent être une arme de combat dans les tournois intellectuels et dans les luttes sociales de l’heure présente. Mais toutes les fois qu’ils réalisèrent vraiment leurs intentions, il se trouva que les poèmes qu’ils écrivirent furent tout autre chose que de la poésie lyrique ; ce fut du pamphlet, de la critique, de la philosophie, du catéchisme, de l’épopée ; ce fut tout, excepté ce que l’on s’était proposé de faire.

Il faut d’ailleurs ajouter que, un certain nombre de ces jeunes poètes possédant un réel tempérament et ayant déjà une certaine individualité, ce fut le plus souvent, et malgré eux pourrait-on dire, ce tempérament et cette individualité qui prirent le dessus et se manifestèrent dans leurs œuvres. Il n’y a là rien qui doive surprendre. Nous avons eu en France, dans M. Emile Zola, un exemple assez éclatant de ce manque de correspondance entre l’œuvre et la théorie ; et encore un certain nombre des principes établis par M. Emile Zola, dans ses études critiques, n’étaient-ils pas irréalisables en soi, quoique leur avocat y ait beaucoup manqué, tandis qu’ici, même avec la meilleure volonté et le plus grand talent possible, il n’y avait pas à espérer de rien réaliser de ce que l’on se promettait de faire. Quand l’œuvre ne l’ail autre chose que contredire ce qu’il peut y avoir de faux dans la théorie, c’est alors la plus heureuse mésaventure qui puisse arriver. C’est grâce à ce que les meilleurs des jeunes poètes allemands ont connu cette mésaventure, qu’il y a aujourd’hui quelque intérêt à les étudier.

M. Julius Hart fut le premier à se donner à lui-même par ses poèmes d’assez bons démentis. Outre plusieurs « tragédies lyriques », il a publié jusqu’à ce jour trois volumes d’œuvres