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Un réveil de foi, de zèle, d’ardeur, de généreuse imprudence, se produisit enfin. Ce fut en dehors de l’Eglise anglicane. John Wosley en demeura jusqu’au bout le fils dévoué et fidèle. S’il fonda une secte nouvelle, — le méthodisme, — dont les adhérens se comptent aujourd’hui par millions dans le monde anglo-saxon, ce fut malgré lui, à son corps défendant. Il avait voulu toucher des consciences, sauver des âmes, prêcher l’Evangile éternel ; il se trouva, grâce à l’intolérance anglicane, avoir créé une Eglise. Les débuts du méthodisme primitif eurent quelque chose de la grandeur, de la simplicité du christianisme naissant, ou, si la comparaison choque, de la fondation des Ordres mendians. Ses apôtres surent faire vibrer dans l’âme populaire, toujours accessible à ces grandes émotions simples, les cordes fondamentales du sentiment du péché, du repentir. Le contre-coup de ce puissant mouvement se fit ressentir jusque dans l’Eglise anglicane. Le méthodisme, Wesley, sont les auteurs de cette réaction bien-faisan le de l’évangélisme, qui rendit quelque sève religieuse à l’établissement anglican.

Parmi les produits du protestantisme, il n’en est pas de plus authentique que l’évangélisme. Il en eut les grandeurs et les petitesses, les qualités et les défauts. Strictement individualiste, il fit surtout appel aux émotions de la sensibilité religieuse. La grande affaire pour lui, c’était la conversion, envisagée non pas comme la lente et progressive action de l’esprit de Dieu, opérant par tous les moyens de grâce, ordinaires et extraordinaires, sur une créature humaine, mais comme un point indivisible dans le temps et dans l’espace, la soudaine transformation d’une âme, sa délivrance miraculeuse et instantanée du joug du péché. Dès l’origine, en dépit des grandes choses que fit ou que provoqua la nouvelle école et auxquelles M. de Rémusat a rendu jadis, ici même, un éloquent hommage, on dut s’avouer les graves, les funestes lacunes qu’elle offrait. Il lui manquait le sens de la pénitence dans le sens tragique de ce mot pour un Augustin, un Saint-Cyran ou un Pascal. Il lui manquait la notion de l’Eglise, la conception des sacremens, la conscience de la solidarité humaine et de l’autorité divine. Il lui manquait enfin une théologie, l’intelligence du dogme et de la place qui lui appartient dans une religion surnaturelle et révélée.

Ces défauts toutefois ne se rendirent sensibles qu’avec le temps. Tout d’abord l’évangélisme s’attesta comme une puissance de vie et de progrès. Un souffle divin rejoignit et ranima les ossemens épars du formalisme anglican. Le clergé cessa d’être, suivant le mot spirituel et trop juste de Joseph de Maistre, une compagnie de messieurs vêtus de noir qui débitent le dimanche