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années excellente, je n’ai cependant obtenu du blé à épi carré que je cultivais à Grignon depuis 1885 sans avoir renouvelé la semence que 30 quintaux, correspondant à 40 hectolitres, tandis qu’une autre variété introduite récemment, le blé d’Australie, donnait 39quin, 5 ou 53 hectolitres.

Quand une variété n’est pas absolument appropriée à un climat, il faut, pour la maintenir, faire revenir assez fréquemment les semences de leur lieu d’origine.

Le choix judicieux de la variété à semer est une des conditions premières de la réussite, et malheureusement ce choix ne comporte pas de solutions générales, telle variété qui convient à un certain sol n’est plus celle qu’il faut semer un peu plus loin. C’est au cultivateur qu’il appartient, à force d’observations répétées, de trouver la semence qui offre dans son domaine le plus de chances de réussite.

L’abondance du rendement en grain n’est pas seule à déterminer le choix de la variété, il faut tenir grand compte en outre de la quantité de paille récoltée ; sa vente, surtout aux environs de Paris, contribue puissamment aux recettes ; la proximité d’une grande ville conduit, en effet, les cultivateurs à y vendre leur paille et à y acheter du fumier.

La paille, en outre, entre dans la ration des animaux domestiques, elle est souvent mélangée aux betteraves ou aux pulpes, et cet emploi conduit à proscrire les variétés à épis barbus ; les barbes dures, rigides, piquantes sont gênantes à faire entrer dans les rations, aussi les variétés barbues sont-elles aujourd’hui peu en faveur, bien que quelques-unes d’entre elles, notamment le blé d’Australie, soient remarquables par leur fécondité.

Bien approprier l’abondance de la fumure à la variété cultivée est encore une des conditions du succès. L’épi carré dont nous avons cité les admirables récoltes obtenues dans le Pas-de-Calais ne les fournit que dans un sol riche, ayant eu une forte dose d’engrais ; en 1886, on a distribué 40 000 kilos de fumier, ce qui est énorme, et on a obtenu 41 quintaux métriques de grains. En additionnant cette masse de fumier de 300 kilos de superphosphates, on a fait monter la récolte à 43, et enfin, à 45 q. m., c’est-à-dire à 60 hectolitres quand du sulfate d’ammoniaque est venu s’ajouter aux fumures précédentes. Aucune autre variété n’aurait supporté une telle masse d’engrais sans verser ; ces fumures excessives ne réussissaient au reste que sur une terre très forte ; distribuées sur un sol moins argileux, elles entraînaient la verse, dont la crainte limite toujours la dose d’engrais azoté à distribuer.

Appliquée à une variété peu prolifique, une fumure abondante reste sans effet ; nous avons vu plus haut que soit avec 35 000 kilos