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nature du sol, étaient identiques, la différence était due exclusivement à la nature de la variété semée. À cette même époque, un grand industriel du Pas-de-Calais, M. Porion, qui s’occupait également de culture, persuadé comme moi qu’il fallait élever les rende-mens, me pria de l’aider de mes conseils ; il avait également reconnu les avantages du blé à épi carré, et d’un commun accord nous portâmes tous nos efforts sur cette variété. Elle est admirablement appropriée à la région septentrionale et y donna dès cette époque des rendemens qui parurent fabuleux ; on obtint en 1886 dans plusieurs pièces dépassant un hectare : au-delà de 45 quintaux à l’hectare, correspondant à 60 hectolitres. Ces résultats furent publiés. M. Porion vendit la plus grande partie de sa récolte comme blé de semence, et, pour savoir si cette variété était capable de donner dans des terres, peut-être moins fertiles que celles du Pas-de-Calais, et sous des climats différens, des récoltes aussi abondantes, nous adressâmes aux acheteurs du blé de semence, un questionnaire ; les réponses ne se firent pas attendre, les résultats étaient ou défavorables ou peu avantageux dans la région méridionale ; dans la France centrale, ils étaient déjà meilleurs. Cependant à Grignon je ne récoltai, en moyenne, que 33quin, 4 au lieu des 40 de l’année précédente ; dans le Nord et le Pas-de-Calais au contraire, on obtint du blé à épi carré des résultats admirables : 40, 45 quintaux.

L’enquête continua en 1888, et comme l’année fut un peu humide, les résultats furent, dans la région méridionale et dans le centre, plus avantageux que l’année précédente ; les cultivateurs qui, dans le centre de la France, mirent l’épi carré en comparaison avec les autres variétés récoltèrent 36hect, 2 au lieu de 27, 2 ; dans le Nord et le Pas-de-Calais, 48, 8 au lieu de 41 ; dans plusieurs localités on dépassa 60 hectolitres.

La mort de M. Porion, arrivée en 1889, arrêta ces investigations, mais ce que j’ai appris depuis a montré que l’épi carré est tout à fait à sa place dans le Nord et le Pas-de-Calais où il continue à prospérer ; il réussit moins bien dans les régions plus chaudes. Sa maturation est tardive et coïncide parfois avec les grandes chaleurs, de telle sorte qu’il arrive que le blé soit échaudé, que le grain soit petit, racorni, mal nourri et d’une vente difficile.

En outre, quand un blé est semé dans un sol qui lui convient mal, que la terre ne soit pas riche, — ce qui est nécessaire pour obtenir de l’épi carré de pleines récoltes, — que le climat ne soit pas tout à fait favorable, et qu’on emploie comme semence les grains qu’on a récoltés soi-même, d’année en année, la variété perd de ses qualités, on dit alors que le blé dégénère ; en 1894,