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nouvelles, douées de qualités qui manquent à un des parens, faut-il enlever les anthères des fleurs avant qu’elles ne se soient ouvertes et n’aient déversé leur pollen.

L’opération exige beaucoup de soins : la fleur entr’ouverte, on coupe les anthères qu’elle renferme et on déverse le pollen de la variété que l’on a choisie pour donner à celle qu’on opère les qualités qui lui font défaut. Un des blés les plus répandus actuellement aux environs de Paris, le Dattel, a été créé ainsi par M. H. de Vilmorin en fécondant les pistils d’un blé anglais, le Chiddam, qui présentait de grandes qualités mais n’avait qu’une paille un peu courte, à l’aide du pollen d’un autre blé anglais, le Prince-Albert. L’opération a parfaitement réussi, la paille du Dattel est plus forte et plus longue d’au moins 18 centimètres que celle du Chiddam, dont il provient. Cette variété s’est parfaitement fixée, elle se reproduit avec des caractères bien tranchés ; et l’expérience présente maintenant une assez longue durée pour qu’on soit certain que des graines semées ne naîtront pas des plantes revenant aux caractères des parens, ainsi qu’il arrive quelquefois pour les hybrides mal fixés.

Quand la floraison a lieu par un beau temps, la fécondation se produit régulièrement et les chances d’obtenir une bonne récolte augmentent ; elles diminuent au contraire si l’épiage se produit pendant une période pluvieuse ; il est vraisemblable que l’eau pénètre dans l’involucre, que les pistils mouillés retiennent mal les grains de pollen ou encore que leur germination est irrégulière, le boyau poil inique n’atteint pas le micropyle ; les ovules ne sont pas fécondés, les épis portent beaucoup de fleurs stériles dans lesquelles le grain ne s’est pas formé.

La production du grain, de la semence qui assure la perpétuité de l’espèce, telle est la fin dernière de la plante herbacée ; il faut qu’autour de l’embryon que renferme cette semence s’accumulent les réserves nécessaires à son développement ; il faut qu’il trouve tout près de lui : l’amidon qu’il liquéfiera, puis transformera en cellulose, le gluten, la matière azotée, avec laquelle il formera le protoplasma de ses cellules ; il faut que ces réserves soient abondantes pour qu’une partie puisse être brûlée, produisant par sa combustion lento la chaleur qui favorise ces transformations. Toute la vie de la plante herbacée tend vers ce but final : accumuler dans les graines les principes élaborés pendant sa courte existence ; et c’est précisément parce que dans la graine, particulièrement dans le grain de froment, se trouvent accumulés du gluten et de l’amidon, l’un et l’autre excellens alimens, que depuis l’antiquité la plus reculée, les hommes le cultivent, ou encore, s’ils vivent sous des climats différens du nôtre, sèment d’autres plantes