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nous verrons plus loin que l’application des matières fertilisantes aux variétés prolifiques, conduit à des résultats très différens de ceux que nous venons de citer.

Ce ne sont pas au reste les fumures directes qui réussissent le mieux et qui fournissent les récoltes de blé les plus abondantes ; j’en ai eu une preuve bien manifeste, il y a quelques années. J’ai trouvé, à cette époque, que le champ d’expériences que je cultive sur le domaine de Grignon n’était pas assez étendu ; j’ai demandé et obtenu un peu plus de terrain. Celui qu’on m’a donné servait depuis longtemps à cultiver des collections de diverses espèces de blé et de pommes de terre ; comme les variétés sont très nombreuses, on ne consacre à chacune d’elles que des surfaces très restreintes, elles ne couvrent que deux mètres carrés, et pour que leur accès soit facile, leur étude commode, elles sont disposées en damier, chaque petit carré de blé étant entouré de pommes de terre, qui elles-mêmes sont entourées de blé. J’enfouis dans ce terrain nouvellement annexé au champ d’expériences une forte fumure de fumier de ferme, et je répandis, en outre, du nitrate de soude au printemps. Eh bien, malgré cette abondance d’engrais, le développement du blé fut très inégal ; partout où il succédait aux pommes de terre, il avait acquis son développement normal, tandis qu’il était resté assez malingre là où il succédait au blé de l’année précédente. Malgré l’abondance de la fumure récente, la disposition en damier des cultures antérieures était reproduite par la hauteur différente des tiges.

Quoi qu’il en soit, l’emploi d’une petite dose de nitrate de soude au printemps est en général très efficace ; et comme le prix de cet engrais est aujourd’hui très bas, son épandage assure un bénéfice notable ; il est d’autant plus sensible que les terres sont plus pauvres ; les journaux agricoles ont rendu compte récemment de concours établis dans un grand nombre de départemens sur l’emploi du nitrate de soude ; presque partout il a laissé un bénéfice s’élevant de 100 à 200 francs par hectare, toute dépense d’engrais payée.

Les cultivateurs très soigneux ne le distribuent pas indifféremment sur toute la surface de leurs champs ; on m’a raconté qu’un très habile praticien du Pas-de-Calais revêtait, avant de parcourir ses champs de blé au printemps, une longue blouse, garnie de deux énormes poches : Tune contenait du nitrate de soude, l’autre du superphosphate ; quand il rencontrait une place où la teinte jaunâtre du blé annonçait une nourriture insuffisante, il y répandait : nitrate puisé dans une poche, superphosphate dans l’autre, et disait plaisamment que c’était là une excellente