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des animaux à la main-d’œuvre humaine, le semoir, la moissonneuse sont traînés par des chevaux ou des bœufs, la machine à battre est actionnée par une locomobile ; ce sont là, il faut le reconnaître, de petites économies et qui ne sont pas sans provoquer la gêne des propriétaires ou celle des ouvriers ; il n’en va plus de même de l’élévation des rendemens, non seulement on abaissant le prix de revient au-dessous du prix de vente, elle assure le bénéfice du cultivateur et fait entrer l’aisance dans la ferme, mais en outre, en produisant une plus grande masse de matières alimentaires à bas prix, elle augmente le bien-être de la population, et accroît la prospérité générale. Guidée par une science, chaque jour plus éclairée, la culture a fait dans ces dernières années des progrès assez marqués pour que personne en France ne soit plus privé de pain de froment. L’exposé de ces progrès est le sujet de cet article.


II. — PLACE DU BLÉ DANS L’ASSOLEMENT. — JACHÈRE ET PLANTES SARCLÉES

L’histoire économique de l’ancienne France est navrante ; périodiquement la disette, la famine même, reviennent, traînant derrière elles leur cortège habituel de maladies, de misères et de désordres ; la crainte de voir la population manquer de pain affole les pouvoirs publics ; ils entassent règlemens sur ordonnances : pour faire arriver le grain sur le marché, pour le retenir dans la province ; le commerce paralysé est impuissant ; les paniques déterminent l’exagération des cours, puis quand elles cessent : leur effondrement. Toutes ces misères sont œuvre humaine ; si on avait reconnu plus tôt que la liberté complète du commerce des grains est seule capable d’assurer les approvisionnemens réguliers, on les eût évitées, car les procédés de culture étaient très judicieusement appropriés aux conditions dans lesquelles on se trouvait.

On pratiquait l’assolement triennal, qui, encore en usage dans certaines parties de la France, remonte, dit-on, à Charlemagne : pendant une première année, la terre reçoit le peu de fumier dont on dispose, elle est labourée, travaillée à diverses reprises, on la débarrasse ainsi des plantes adventives, mais on ne lui demande aucune récolte ; pendant toute une année, le guéret bien ameubli reste exposé à l’air, et c’est seulement à l’automne qu’on sème le blé.

Pourquoi cette année sans récolte, pourquoi cette longue période de repos ? Est-ce seulement pour avoir le loisir de