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Sa ceinture fu de soie,
D’or et de pieres ouvrée ;
Toz li cors li reflamboie
Si corn fust enluminée.
Lés un rosier s’est assise
La trés bele, la senée ;
Elle resplent a devise
Com estoile a l’anjornée…


Le trouvère s’oublie à la contempler un instant ; il veut s’approcher d’elle ; mais déjà la vision a disparu. Toute semblable, le petit roi Obéron avait vu Titania : « Je sais un banc où s’épanouit le thym sauvage, où la violette tremble auprès de la grande primevère. Il est couvert par un dais de chèvrefeuilles vivaces, de suaves roses musquées et d’églantiers. C’est là que s’endort Titania bercée dans ces fleurs… » — Voici encore une de ces reverdies : la langue en est hybride, le texte corrompu ; imprécise, altérée et bizarre, elle plaît par son étrangeté même :


Volez vos que je vos chant
Un son d’amors avenant ?
Vilains nel fîst mie,
Ainz le fist uns chevaliers
Soz l’ombre d’un olivier
Entre les bras s’amie.


Il décrit celle qui lui apparut alors, qu’il ne sait comment nommer et même le nom de fée semble trop précis pour la désigner. Elle descendait la pente de la prairie sur une mule ferrée d’argent, et trois rosiers ombrageaient sa tête. Elle portait chemisette de lin et bliaut de soie, chausses de glaïeuls et souliers de fleurs de mai :


Ceinturete avoit, de fueille
Qui verdist quant li tens mueille ;
D’or ert boutonade ;
L’aumosniere estoit d’amor,
Li pendant furent de flor,
Par Amors fu donade…
— « Bele, dont estes vos née ?
— « De France sui la loée,
Du plus haut parage ;
Li rosseignols est mon pere
Qui chante sor la ramée,
El plus haut boschage… »


Qui est-elle ? Vêtue de fleurs, portant ceinture qui reverdit à la rosée, n’est-ce pas elle qu’honorent et figurent les reines de mai