Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pied de la lettre ces bravades folâtres, ce serait tomber dans une lourde erreur ; elles appartiennent à une convention presque liturgique, comme l’histoire des fêtes et des divertissemens publics nous en offre tant. La convention, dans les maieroles, était de présenter le mariage comme un servage odieux, et le mari, le « jaloux », comme l’ennemi contre lequel tout est permis. » C’est ce qui ressort de ce passage du roman de Flamenca, écrit en 1234 : « C’était l’usage du pays qu’au temps de Pâques, après souper, on se mît à baler et à danser la tresque, ainsi que la saison y invite. Cette nuit, on planta les mais et ce fut une nouvelle occasion de réjouissances. Guilhem et son hôte sortirent dans un verger ; de là, ils entendaient par devers la ville les chansons et au dehors les oiseaux qui chantaient sous les feuilles ; il faudrait qu’il fût bien dur, le cœur épris d’amour qui ne sentirait pas ses blessures ravivées par cette harmonie… Le lendemain, les jeunes filles avaient déjà enlevé les mais disposés la veille au soir et chantaient leurs devinettes. Elles passèrent devant Guilhem en chantant une kalenda maya qui dit : « Vive la dame qui ne fait pas languir son ami, qui, sans craindre les jaloux ni le blâme, va trouver son cavalier au bois, au pré ou au verger, l’emmène dans sa chambre pour se mieux réjouir avec lui et laisse le jaloux sur le bord du lit, et s’il parle, lui répond : Pas un mot, allez-vous-en ! Mon ami repose entre mes bras ! Kalenda Maya ! — Guillen soupira du fond du cœur et pria Dieu de vérifier sur lui ce couplet. »

Nous avons conservé une pièce limousine qui rend bien l’esprit de ces kalendas mayas. Elle est l’unique chanson de mai qui nous soit parvenue complète, et on nous saura gré sans doute de la citer ici sans la défigurer par une traduction, d’autant que le mot français s’y laisse suppléer sans peine sous la forme méridionale. C’est une reine de printemps, la regina avrilloza, dont les chanteurs annoncent la venue. Elle a convoqué à la danse les couples jeunes, mais son mari, jaloux et vieux, la poursuit :


A l’entrada del tems clar, eya,
Per joja recomençar, eya,
E per jelos irritar, eya,
Vol-la regina mostrar
Qu’el’ est si amoroza.
A la vi’ a la via, jelos,
Laissaz nos, laissaz nos
Ballar entre nos, entre nos.
El’ a fait per tôt mandar, eya,
Non sia jusqu’à la mur, eya,