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pousses, car le glossaire de Du Gange nous montre, aux mots maium et maius, des seigneurs ecclésiastiques et séculiers préoccupés de protéger leurs bois contre ces déprédations : saint Louis, à la date de 1257, interdit aux vilains les terres d’un couvent, occasione consuetudinis quæ maium dicitur, quæ revera potius est corruptela ; et l’on voit les hommes d’une commune, dans la charte des libertés qu’ils obtiennent, faire stipuler qu’ils pourront, sans forfaire, quérir le mai dans les bois du seigneur : « Maium afferre poterunt de bosco sine forisfacto. »

Plusieurs poètes du XIIIe siècle et les clercs errans des Carmina Burana ont décrit les maieroles. Le trouvère Guillaume le Vinier, chevauchant le premier jour de mai par la campagne d’Arras, rencontre deux villageoises qui portent des glaïeuls en chantant un lai, tandis qu’au son des flûtes s’avance vers elles « une troupe de flor et de mai chargiée. » Mais ce n’étaient pas seulement divertissemens de bergers : l’aristocratique roman de Guillaume de Dôle nous montre que bourgeois et seigneurs y prenaient part :


Tuit li citoien s’en issirent
Mienuit por aler au bois…
Au matin, quant li jors fu granz,
Et il aporterent lor mai,
Tuit chargié de flors et de glai
Et de rainsiaus verz et foilluz :
Onc si biaus mais ne fu vëuz
De glai, de flors et de verdure.
Par mi la cité a droiture
Le vont a grant joie portant,
Et dui damoisel vont chantant.
Quant il l’orent bien pourchanté,
Es soliers amont l’ont porté
Et mis hors par mi les fenestres…
Et getent par tot herbe et flor
Sor le pavement, por l’onor
Dou haut jour et dou haut concire.


Au milieu de cette joie, entre dans la salle du palais l’héroïne du roman, Lienor, si belle qu’à sa vue les jeunes seigneurs s’écrient : « Voilà mai ! voilà mai ! »


II

Ces fêtes étaient célébrées surtout par des danses aux chansons. Chansons de vilains et de vilaines, qui ont ému un instant l’air diaphane de mai et s’y sont évanouies : car on pense bien