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la Correspondance générale de l’Instruction primaire, a donné d’excellens résultats, et c’est un petit chef-d’œuvre d’art sociologique, que le recueil, couronné dans ce concours, des Chants populaires pour les Écoles, de MM. Maurice Bouchor et Julien ïiersot[1]. A l’église non moins qu’à l’école, il importerait que l’enfant du peuple chantât. Il y chantait naguère, et pour la culture musicale — j’entends celle de la foule — les maîtrises avaient fait ce que jamais Conservatoire ne refera. Songez, qu’avant la Révolution la France comptait quatre cents maîtrises, c’est-à-dire douze ou quinze mille musiciens, dont cinq mille enfans de chœur. Quel gouvernement vraiment démocratique réorganisera d’aussi utiles associations, des syndicats aussi bienfaisans ? Alors la « maison du peuple » était la maison de Dieu. Quelles leçons, quels exemples de solidarité fraternelle, de véritable unanimité, les choses mêmes y donnaient ! Que la vie devait être harmonieuse en cette église de Saint-Sauveur d’Aix, où les plus humbles serviteurs étaient musiciens, où, quand sonnaient les cloches, l’orgue ne pouvait jouer que dans le ton où elles sonnaient[2]. Et de la vertu sociale et charitable de la musique, quel plus touchant apprentissage que celui-ci ? Les enfans de la maîtrise de Rouen n’avaient jamais licence de se faire entendre au dehors. Un jour pourtant il arriva que certain bailli d’Evreux fît une perte cruelle, dont il était fort affligé. La fête de la Toussaint étant venue, comme le bailli se trouvait malade en sa demeure, on permit aux enfans d’aller chanter devant lui, et « si doulcement chantèrent, nous rapporte la chronique, que le dolent bailli en feut tout consolé[3]. »

Aucune éducation ne vaudra jamais celle des maîtrises, pour préparer le peuple à des joies que de plus en plus il recherche et qu’il faut lui rendre de plus en plus familières et faciles. Il y a des œuvres d’assistance par le travail ; qu’il y ait des œuvres d’assistance par la beauté. Panem et circenses. Le jour où, dans un cirque, un excellent musicien, qui était un homme de cœur, a dirigé le premier « concert populaire », il a fait plus que maint économiste, plus que tel politique, pour le bonheur des humbles et des petits. De son initiative et de son exemple nous voyons aujourd’hui les salutaires effets. On raconte du vieil Haydn, que le dimanche il aimait à rassembler les paysans pour les régaler d’un bon repas et de bonne musique. Il appelait cela ses jours de magnificence. Entrez, le dimanche également, au

  1. Chez Hachette, 1895.
  2. Voir : la Maîtrise d’Aix, par M. l’abbé Marbot.
  3. Histoire de la maîtrise de Rouen, par MM. les abbés Colette et Bourdon.