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au-delà des frontières, il y a une distinction à faire entre les droits en quelque sorte régaliens qui ne peuvent être discutés et consentis que par les gouvernemens avec l’appareil diplomatique, et le règlement d’exécution que les administrations doivent arrêter entre elles. Les congrès et conférences où se discutèrent les arrangemens postaux et télégraphiques subirent cette distinction dès le début ; ils conclurent d’une part des conventions diplomatiques qui définissaient les principes, et d’autre part des règlemens d’exécution et d’ordre qui précisaient les détails. Un exemple montrera qu’il y a là des questions que l’on ne peut soumettre à la même procédure. Quand on voulut établir pour la première fois un fil télégraphique entre la France et l’Angleterre ou l’Autriche ou la Belgique, il fallut un accord conclu par l’intermédiaire des diplomates. Le fil une fois établi, lorsqu’il s’est agi de savoir par quels appareils il serait desservi, dans quel ordre se ferait l’échange des télégrammes, ce n’était plus qu’affaire à régler entre les administrations. Or, depuis la conférence tenue à Saint-Pétersbourg en 1875, l’accord a paru si bien établi en matière de correspondance télégraphique, que la convention signée à cette époque n’a plus été remaniée. Les conférences suivantes n’ont fait que retoucher le règlement d’exécution, et, s’il a fallu néanmoins le soumettre chaque fois à l’approbation des Chambres, c’est qu’il contenait des modifications de taxe qui ne deviennent valables en France que par la sanction législative.

L’Union postale n’a pas encore amené ses règlemens à ce degré d’avancement, sans doute parce qu’elle a un programme de travaux plus étendu. Mais on peut prévoir que pour elle aussi, dans un avenir qui n’est pas très éloigné, la législation internationale se trouvera codifiée, et les congrès futurs n’auront plus qu’à discuter des tarifs ou des questions administratives.

Les dernières conférences télégraphiques ont encore eu ceci de remarquable que les compagnies propriétaires de câbles sous-marins y ont été représentées et y ont pris l’engagement de se conformer au règlement. C’était indispensable. De quoi eût servi l’accord entre les États-Unis de l’Amérique du Nord ou le Brésil avec les pays d’Europe si les câbles qui servent seuls d’intermédiaire entre eux n’y eussent souscrit ? La situation actuelle des communications télégraphiques autour du globe présente cette singularité que les anneaux essentiels de la chaîne ne sont pas entre les mains des gouvernemens. Le monde télégraphique se compose d’États souverains et, en outre, de compagnies financières qui n’ont d’autre charte qu’un cahier des charges, et ce cahier des charges en général ne les gêne guère. Tous ces