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celui-ci répartit les traites entre ses facteurs ; et le soir, le lendemain au plus tard, il renvoie à l’expéditeur les sommes encaissées sous forme d’un mandat d’article d’argent, avec les traites impayées s’il y en a. Il prélève sur le montant les frais du mandat et de plus, une légère rémunération, fixée par décret, tant pour lui que pour les facteurs qui ont opéré rencaissement. Disons, pour faire apprécier l’importance de ce service, que dès l’année 1890 les effets présentés à l’encaissement dépassaient en nombre 11 millions et en valeur 285 millions de francs.

Cependant des difficultés apparurent lorsqu’on parla de faire recouvrer par la poste les valeurs protestables ; on sait en effet que le Code de commerce impose la condition que le protêt soit fait dans les vingt-quatre heures de l’échéance. La législation étrangère des pays où ce service existait déjà ne fournissait aucun renseignement utile. En Allemagne, le délai du protêt s’étend jusqu’au deuxième jour. En Belgique, les percepteurs des postes sont autorisés par la loi à dresser le protêt eux-mêmes à défaut de notaire ou d’huissier dans la localité. Il n’était pas possible d’adopter la même solution en France où la plupart des recettes sont gérées par des femmes, et les facteurs peuvent être âgés de moins de vingt et un ans. Après examen, on reconnut que le nombre était bien réduit des localités où, par défaut de communication rapide, l’effet impayé le jour de l’échéance ne pourrait être remis à un officier ministériel capable d’effectuer le protêt. L’Administration des postes se chargea donc, à partir du 1er juillet 1881, du recouvrement des valeurs protestables, sauf les restrictions que les circonstances locales lui imposaient. Ceci fait voir du reste combien il est parfois embarrassant de soumettre à un régime uniforme tout un territoire aussi vaste que l’est celui de la France, desservi en certaines parties par des routes et des chemins en excellent état, ailleurs par de simples sentiers, dont la population est ici agglomérée, et dispersée ailleurs en quantité de hameaux que le mauvais temps peut rendre inaccessibles. L’humble facteur des postes doit aller partout et tous les jours, et pourtant il y a des intempéries atmosphériques contre lesquelles il n’est pas de force à lutter.

C’est encore à l’étranger que M. Cochery prit, en 1881, l’idée de faire effectuer les abonnemens aux journaux dans les bureaux de poste. Comme pour les recouvremens, c’est un mandat-poste que le receveur établit sur la demande de l’abonné et qu’il expédie lui-même, en sorte que tout bureau de poste est devenu un bureau d’abonnement pour toutes les feuilles publiques en quelque lieu qu’elles soient imprimées, les journaux quotidiens, les recueils