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attaqué par trois colonnes ; mais le sergent Léber, de la Légion, les tient à distance. Une autre colonne essaie de se glisser, défilée par les berges de la rivière ; la canonnière qui a pris son poste de combat la crible de mitraille. Les Chinois ont échoué partout ; cependant leur ligne d’investissement est poussée à 500 mètres de la place, l’attaque pied à pied se dessine de plus en plus, et, pendant plus d’un mois, le bombardement ne se ralentira plus.

Ce fut le 30 janvier que le petit blockhaus fut évacué. L’ennemi en était à sa deuxième parallèle et l’avait poussée à moins de 100 mètres. Il s’y précipita avec des cris de triomphe, aussitôt le dernier légionnaire parti ; une grêle de projectiles vint l’en balayer, et, de tout le jour, il n’osa rentrer dans sa conquête.

Toutefois, à partir de ce moment, il avance rapidement, sa ligne gagne toujours, touche presque à la citadelle, vers l’ouest principalement. La banquette de cette face n’est plus tenable ; on la protège par une traverse en bois dur, que les Chinois, armés de grappins, s’essaient à tirer bas. De la rive gauche du fleuve, leur feu éprouve singulièrement les marins de la canonnière et les tirailleurs tonkinois ; il y a de ce côté plusieurs attaques de vive force énergiquement repoussées. Le bombardement redouble d’intensité : nous sommes obligés de ménager nos munitions, mais nos tireurs de position travaillent juste ; tout Chinois qui se montre a de leurs nouvelles.

Sur la plaine flottent les pavillons multicolores qui jalonnent la ligne d’investissement, leurs flammes se rapprochent toujours plus menaçantes, quelques-unes lèchent presque le rempart. L’ennemi remue la terre si près de nous, que nos factionnaires ne peuvent plus voir par-dessus le mur, sans un danger mortel ; on ressuscite à leur usage les mâchicoulis d’une autre époque. Malheureusement, dans ce bout-portant continuel, les coups ne pardonnent guère, les blessés sont nombreux ; trop souvent le sinistre brancard passe, escorté d’une grêle de balles jusqu’au magasin transformé en ambulance. Sur son toit, la mort crépite encore, et, du dernier asile de leur mince tas de paille, ceux qu’elle a touchés s’en vont, vaincus par ce mal du fer qui les poursuit de sa chaude haleine de poudre, du flagellement de ses éclats sifflans. Toul à l’heure on les couchera dans une fosse hâtive, simplement roulés dans une natte, sans l’honneur d’un cortège, sans autre prêtre que leur capitaine pour murmurer la dernière prière. Néanmoins leurs funérailles auront été grandioses, le canon aura tonné sur eux, ils dormiront à jamais à l’ombre de la citadelle illustre.

Le 10 février, les galeries de mine de l’ennemi sont si avancées, que des ordres, pour le couronnement de la brèche, au cas