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ceux-ci, en touchant terre, bénéficieront d’un congé de convalescence, les vacances s’éterniseront, durant de longs mois, au grand préjudice des compagnies d’Algérie. A coup sûr, il serait inadmissible d’autoriser ces compagnies à maintenir leurs gradés au complet réglementaire, comme en usent celles du Tonkin, puisque ce serait accepter le double excédent des cadres en route pour l’aller et le retour. Mais ne pourrait-on les doter du complet de guerre, en sous-officiers et caporaux, comme la permanence de leur effectif de guerre le réclame en droit strict ? De la sorte, l’écart serait moins choquant cuire les moyens d’instruction nécessaires et ceux si cruellement dérisoires dont nos compagnies étrangères sont obligées de s’accommoder.

Quand on songe que des compagnies de dépôt, fortes souvent d’un millier d’hommes, ne sont pas mieux partagées en instructeurs naturels, l’on s’effraie des résultats d’une instruction aussi problématique, ou plutôt on ne trouve pas assez d’admiration à témoigner à ces commandans de compagnie qui, à force de dévouement et d’ingéniosité acharnés, en face des quatre-vingts recrues, la plupart ignorans de notre langue, qui leur viennent chaque semaine, arrivent, avec rien, à en faire des soldats ! Nous avons sous les yeux l’état des militaires ayant été affectés, à un titre quelconque et au cours de l’année 1895, à une compagnie de dépôt : les chiffres sont instructifs. La compagnie a compté 1 789 hommes de troupe lui ayant appartenu, 2 130 subsistans du corps, 207 subsistans étrangers, et 738 prisonniers au titre du gîte et geôlage : c’est un total de 4 864 hommes ayant figuré sur ses contrôles, ayant eu part à son administration.

Si l’on parle maintenant de la valeur militaire de ces cadres, on la trouve bien disparate, et l’on aurait mauvaise grâce à s’en étonner, devant la variété de leur recrutement, de leurs aptitudes et de leurs pérégrinations. Le peloton spécial des élèves caporaux, qui est loin d’en être l’unique pépinière, possède une tenue d’instruction ne le cédant en rien à celle des élèves caporaux de nos régimens de France. Malheureusement ses ressources sont toujours inférieures aux besoins, autant par suite des éliminations résultant de l’ignorance de la langue française ou de hautes convenances morales, qu’en raison des hésitations des compagnies à se dégarnir à son profit de leurs meilleurs sujets, dans la crainte d’aliéner tous leurs moyens d’instruction. Ces instructeurs de compagnie, qu’on ne peut dès lors exclure des nominations, concourent donc, avec les élèves du peloton spécial, pour les places de caporaux, et cela n’est pas trop juste ni très réglementaire, attendu que les services qu’ils ont pu rendre ne compensent pas l’infériorité de leur savoir. Quoi qu’il en soit, ils