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au milieu disciplinaire tout ce qu’une telle sanction aurait de redoutable, on en éloignerait beaucoup de ceux qui y sombrent aujourd’hui avec une regrettable facilité, que ce soit du fait de l’homme lui-même, insouciant de la pente où il glisse, ou du fait de l’autorité, plus encline à user d’une répression, lorsqu’elle ne lui attribue pas une portée irrémédiable.

Les mesures de salubrité morale que nous réclamons en faveur de la Légion ne donneraient que des résultats incomplets, si la porte fermée à l’invasion des clémens dangereux continuait à s’ouvrir toute grande à la sortie des sujets de choix, ainsi que cela se pratique aujourd’hui. L’admission au rengagement dans l’infanterie de marine donne droit à une prime qui, pour cinq ans, s’élève à six cents francs ; elle ne procure aucun avantage pécuniaire s’il est contracté dans les troupes étrangères. L’on conçoit dès lors facilement qu’après leur naturalisation les meilleurs soldats quittent la Légion, quoique à regret, pour bénéficier ailleurs d’une prime qu’on leur refuse où ils sont. Ce que l’on conçoit moins aisément, c’est que des corps participant aux mêmes fatigues, voués aux mêmes risques, ne jouissent pas des mêmes privilèges, et qu’il faille attendre que la valeur de la troupe déshéritée s’en trouve compromise, pour s’apercevoir qu’on ne commet pas impunément de pareilles injustices de traitement.


V

Avoir montré ce que sont les légionnaires, c’est avoir indiqué ce que doivent être leurs officiers : à des soldats d’élite, il est naturel que correspondent des officiers de choix. L’on semble, depuis quelque temps, s’être pénétré de cette vérité au ministère de la guerre, et les nominations de ces dernières années sont pleines de promesses pour l’avenir. Mais il n’en a pas toujours été de même ; pendant longtemps la facilité déplorable avec laquelle fut conférée la nomination d’officier au titre étranger encombra les cadres de la Légion d’étrangers dont on eût bien fait de ne pas priver leur pays, et surtout de Français qu’on eût bien dû laisser à leur ornière. Elle permit de réintégrer dans l’armée beaucoup d’anciens officiers qu’elle n’avait pas sujet de regretter et qui parfois l’avaient quittée très peu volontairement ; d’entr’ouvrir une porte dérobée à certains officiers de réserve dont l’instruction ou les moyens s’étaient effrayés de la grande porte des écoles militaires ; et d’étaler la plaie du favoritisme dans un milieu militaire où il est encore plus haïssable qu’ailleurs.

En vérité, il ne peut y avoir qu’une manière de devenir officier français : c’est la voie légale et normale, qu’elle s’appelle