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est à Paris. C’est une chose à voir. Il y a encore des moules des marbres d’Eleusis, l’imitation de Triptolème selon Vitet, qui le met au rang de la Vénus de Milo ? Je ne l’ai pas encore vu, ce Triptolème, et je doute.

Je n’ai encore vu personne. Je suis effrayé de rentrer dans le monde sortant ainsi du désert. Un habit noir à porter me semble bien lourd. Que sera-ce lorsqu’il faudra endosser l’habit brodé ; mais à chaque jour suffit sa peine.

Assurément vous avez vu la fontaine de Vaucluse. Quand ? Je l’avais déjà vue trois ou quatre fois, les eaux étant basses. J’y suis retourné l’autre jour. Toute la caverne était pleine et l’eau sortait à la racine du figuier qui en est en temps ordinaire à plus de quarante pieds. C’était beaucoup moins beau, quoique très beau encore. Les coquilles d’écrevisses se mangent toujours à l’hôtel de Pétrarque et de Laure, et elles sont faites, à présent, par une très belle personne blonde, quoique Provençale, de cinq pieds six pouces, une espèce de Vénus de Milo vivante ; elle m’a plu plus que la fontaine, et plus que le portrait de Laure qu’on montre à la cathédrale, mais auquel je ne crois guère.

Dites-moi ce que fera Mgr l’évêque de Moulins de sa succession ? Il hérite de M. de Dreux-Brézé, lequel avait hérité du marquis de Villette, lequel était mort dans l’admiration idolâtrique de Voltaire. Monseigneur se trouve posséder la canne de Voltaire, trois de ses perruques, son bonnet de nuit, et un certain nombre de poésies légères inédites, à ce qu’on prétend. Brûlera-t-il cela ? Ne vaudrait-il pas mieux le vendre au profit des pauvres, malgré ce que pourraient dire les mauvais esprits ? Vous savez que La Fontaine offrait à son curé l’argent d’une nouvelle édition de ses contes.

J’ai laissé les deux C… certainement en meilleure santé qu’ils n’étaient venus. Ils ont un médecin homéopathe allemand, et par conséquent un peu plus charlatan qu’il ne faut. L’un et l’autre semblent se trouver bien de ses ordonnances, que le soleil de Cannes rend encore meilleures. L’homéopathie, les tables tournantes et bien d’autres choses me donnent une pauvre idée de mon siècle.

Je n’ai pu convertir le baron de Bunsen, qui s’est moqué de mon inscription grecque. Le fait est qu’elle est en très mauvais vers et peu intelligible. Je croyais y avoir vu la preuve qu’au IIIe siècle on croyait à la présence réelle, mais M. de Bunsen nie par vives raisons. J’ai lu les trois quarts de son livre qui m’a intéressé. C’est un fatras très indigeste, mais très savant. Et on voit que l’auteur est au fond un excellent homme. En fait de lion, nous avons eu à Cannes M. Cobden, qui m’a plu beaucoup. Je ne sais