Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 134.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ont dû la conduire jusqu’à un port plus éloigné, d’où elle devait ensuite revenir en arrière.

Ces règlemens ne sont pas susceptibles de critique ; la vitesse, la régularité de la marche, en dépendent. On ne peut en dire autant des barrières économiques dont la France s’est présentement entourée. Leurs auteurs doivent se réjouir, puisqu’elles ont été construites dans cette vue, de ce qu’elles entravent le commerce international ; le public de son côté doit en tenir compte : reprocher à un homme que l’on a chargé de chaînes, de ne pas avancer d’un pas allègre, serait puéril. Les protectionnistes seront satisfaits de savoir les prescriptions douanières bien observées : il m’a été conté l’histoire de deux vaches venues, sur un bateau des Chargeurs, de Buenos-Ayres à Bordeaux ; refusées à l’arrivée, en vertu de la loi sur les épizooties, au moment où le bâtiment qui les portait était affrété par l’État à destination de Madagascar, ces mammifères américains, que l’on n’avait pu débarquer, continuèrent vers l’Afrique leur voyage, durant lequel l’un d’eux mit au monde un veau. Peut-être ces vaches naviguent-elles encore. Je reconnais d’ailleurs que, dans cet échange entre les deux continens, puisque le nouveau refuse nos hommes, nous avons le droit de refuser ses bêtes.

Quoiqu’il paraisse contradictoire d’encourager la marine par des subventions et de la décourager par des obstructions, il est plus que jamais nécessaire de maintenir le secours de la bourse publique, sans lequel nos grandes compagnies disparaîtraient aussitôt. Ce n’est pas que les millions payés aux paquebots « officiels » puissent être considérés comme une rétribution postale. Si nous laissons de côté les lettres et paquets, expédiés par les postes françaises en Corse, Tunisie, Algérie et Angleterre, qui forment ensemble un total de 203 000 kilos de correspondance et de 425 000 kilos d’autres objets, il ne reste, pour les envois du ministère des postes, faits par paquebots français, que 17 000 kilos de lettres et 156 000 kilos de papiers d’affaires, journaux ou échantillons, tandis que ce même ministère en confie moitié plus aux paquebots étrangers, — 32 000 kilos de lettres et 221 000 kilos de colis divers. La poste a pour principe, et personne ne saurait le lui reprocher, de diriger ses expéditions par la voie la plus rapide : toutes nos relations avec les Indes et le Pacifique, les trois quarts de celles que nous entretenons avec l’Amérique, la moitié de nos envois au Japon ou en Indo-Chine passent par les navires anglais.

Les étrangers, de leur côté, utilisent nos bateaux en vertu des traités conclus entre les offices des divers États et nous chargent de 36 000 kilos de sacs à dépêches. Mais, tout