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semble avoir été d’établir les relations sur un pied de courtoisie. Dès les premiers jours qui suivirent son arrivée, il écrivait au marquis de Saint-Thomas, secrétaire d’État et principal conseiller de Victor-Amédée : « Je dois vous assurer que la respectueuse inclination que j’ai toujours eue pour Son Altesse Royale et la considération particulière qui se doit à votre mérite me portent à faire agréablement tout ce qui dépend de mes soins et qui ne sera point contraire à la fidélité de mon ministère pour plaire à sa ditte Altesse Royale[1]. » À ce rôle de conciliateur Tessé était apte autant qu’homme du monde, car il avait de la bonne grâce et de l’obligeance, et il faut avouer que les usages de la guerre, tels qu’on les entendait alors, singulier mélange de cruauté et de courtoisie, lui facilitaient les choses. Durant les cinq années que dura son commandement en Italie, on ne le voit négliger aucune occasion de se rendre personnellement agréable soit à Victor-Amédée, soit à ses ministres. C’est ainsi qu’en 1693, Victor-Amédée ayant été dangereusement malade, Tessé écrivait à Saint-Thomas : « Nous avons tous icy une extresme joie du meilleur estat de la santé de Son Altesse Royale. Je n’ay jamais osé prendre la liberté de vous offrir les plus excellens médecins de France que, d’un bout à l’autre du royaume, le Roy se seroit fait un plaisir d’envoyer auprès de lui, plus salutaires assurément pour la maison royale de Savoie que toutes les ordonnances de la maison d’Autriche[2]. » Saint-Thomas lui-même ayant été malade, Tessé lui propose des passeports pour aller prendre les eaux en France, ou bien il offre de lui faire venir celles qu’il choisira. C’est également avec le plus grand empressement qu’il lui fait tenir les laissez-passer nécessaires pour un corps saint que la duchesse Anne de Savoie désirait adresser au monastère du Val-de-Grâce. Tessé étend encore plus loin ses attentions délicates. « Je vais, écrit-il à Saint-Thomas, vous parler comme à un confesseur[3]. » Le marquis de Legañez, qui commandait à Milan, lui a envoyé un cheval d’Espagne, « pour le petit plaisir qu’il lui avait fait en lui renvoyant un de ses gens qui était tombé dans un des partis français. » Tessé ne veut pas demeurer en reste, et désire à son tour envoyer à Legañez une pendule, faite par les meilleurs ouvriers de France que le Roi a bien voulu lui prêter pour cette bagatelle. Il demande à Saint-Thomas que cette pendule soit rendue à Milan par un porteur, avec tout le soin imaginable. Parfois même il s’adresse à Saint-Thomas pour des choses plus personnelles. C’est

  1. Arch. Turin. Tessé à Saint-Thomas, 1er décembre 1691.
  2. Id., Ibid., 21 mars 1693.
  3. Id., Ibid., 27 avril 1694.