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imposées par la protection douanière. Le Parlement lui a donné gain de cause et l’a investi d’un monopole ; seulement il ne peut pas l’exercer. Sauf quelques voiliers de minime importance, il n’a été construit en France, depuis deux ans et demi, que quatre steamers, pas davantage. Dans le même laps de temps il s’en est perdu trente ; et deux sociétés françaises ont disparu, vendant leurs bateaux pour un morceau de pain, sans avoir de successeurs.

Quant aux compagnies postales, obligées de remplacer immédiatement tout bâtiment mis en réforme, celles qui ont tenté de se suffire à elles-mêmes en créant pour leur usage un chantier de construction, se sont mis au pied un terrible boulet. Elles ont cru avoir des ateliers à leur service ; elles se sont trouvées bien vite au service de leurs ateliers ; forcées, pour en tirer parti, de les faire travailler même sans nécessité sérieuse, entraînées ainsi à des dépenses inutiles et n’osant liquider, de peur de réaliser une perte trop sensible. Pour les Transatlantiques par exemple, il y aurait avantage à payer leurs navires 15 ou 20 p. 100 de plus et à ne pas entretenir un chantier.

Dans cette fin du XIXe siècle, où l’activité des peuples civilisés s’en va débordant sur tous les domaines, qui n’avance pas ou qui avance peu demeure bientôt en arrière. C’est malheureusement notre cas sur l’Océan et, sans parler de l’Angleterre, il est d’autres marines par qui nous sommes chaque jour devancés. Depuis quinze ans, le pavillon français a vu son pouvoir croître de 8 p. 100, mais le Scandinave s’est augmenté de 40 p. 100 et l’allemand de 80 p. 100. Il est aujourd’hui des routes où nos couleurs se font plus rares et, parmi celles-là, ce glorieux canal de Suez qu’avaient percé nos compatriotes avec leur argent et leur enthousiasme. Sur 3 350 bâtimens qui, l’année dernière, transitaient par le canal, on compte 2 400 anglais, 300 allemands, 190 hollandais et 185 français. Dix ans avant on y voyait passer 300 français, et seulement 140 hollandais et 155 allemands.


IV

Pour trouver l’équivalent, comme taille, des paquebots contemporains il faut remonter au déluge, je veux dire à l’arche de Noé. Ses dimensions, indiquées par la Bible, différaient peu de celles du transatlantique la Touraine. Elles seront fortement dépassées par les nouveaux bateaux de la même compagnie, dont le plan a été récemment dressé. Elles le sont déjà par les derniers Cunards. Si Noé s’est exactement conformé aux mesures données par l’Eternel,