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ni l’histoire n’ont été une préparation superflue, comment ne pas les en croire, dans les choses d’État ? Comment ne pas en croire M. Canovas del Castillo lorsqu’il nous avertit que « la démocratie individualiste est un délire ridicule », qui, « scientifiquement et pratiquement, sera bien vite condamné » ? Ce qui signifie qu’entre la « démocratie individualiste » fatalement anarchique, et la « démocratie collectiviste », fatalement révolutionnaire, il n’y a que ce moyen terme, la « démocratie organisée. »

Mais ce ne sont pas seulement les idées qui, de tous côtés, convergent en ce point : ce sont les faits eux-mêmes ; ce ne sont pas seulement les théoriciens de toute école qui arrivent à cette conclusion : philosophes, juristes et autres ; ce ne sont pas seulement les historiens : c’est l’histoire.


II. — FONDEMENS HISTORIQUES. — LES TROIS PHASES DU RÉGIME REPRÉSENTATIF.

En effet, on peut dire — et, du reste, on l’a déjà dit — que le régime représentatif a jusqu’ici passé par deux phases distinctes. Dans la première de ces phases, le groupe seul était représenté ; et l’individu seul est représenté dans la seconde. Dans la première phase, la représentation était corporative ; dans la seconde, elle est individuelle.

Quelques auteurs ont réservé, pour la seconde des deux phases, le nom de régime représentatif, en l’opposant à la première, où dominait le système des ordres. Entre le système des ordres et le régime représentatif, ils ont relevé des différences tranchées, dont les plus remarquables sont : que, dans le système des ordres, la représentation de chaque ordre est séparée et que les derniers ordres, souvent, ne sont pas même représentés ; dans le régime représentatif, au contraire, la nation entière est représentée, tous ordres abolis, en une représentation commune. Dans le système des ordres, certains individus (grands seigneurs ou grands dignitaires) avaient droit de siéger par et pour eux-mêmes, non moins que pour et par elles-mêmes, certaines corporations ou universités : et, au contraire, dans le régime représentatif, le droit, quoique personnel, est commun, égal, conféré par l’État en vue de l’intérêt général.

Dans le système des ordres, les députés des villes et des corporations recevaient des instructions impératives ; ils n’étaient guère que des mandataires particuliers ; dans le régime représentatif, au contraire, il n’y a plus de mandat, au sens du droit civil,