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tous les périls du suffrage universel inorganique et anarchique, il les a devinés et dénoncés ; et il y avait bien, au fond de l’adhésion qu’il donnait aux idées de Thomas Hare, trace d’une préoccupation de ce genre, comme elle perce aussi, cette préoccupation, dans les motifs qui inspiraient à Thomas Hare lui-même son projet de réforme. Mais ces maux, ces périls et les menaces de la « fausse démocratie », qui les a plus énergiquement, plus sévèrement, plus durement condamnés, que sir Henry Maine, un Anglais ? Qui ? si ce n’est, en Angleterre, et avant Maine, Macaulay, et, avant Macaulay, Edmond Burke ? N’est-ce pas un Anglais, Spencer, qui a rédigé le symbole de l’Etat, de la nation, de la société organiques ? et si l’on en veut venir au point particulier de « la représentation organique », c’était bien elle, sous un de ses aspects, c’était vers elle que regardait lord Grey, lorsqu’il demandait que les ouvriers, comme tels, — ou le travail, — fussent représentés et que les universités, comme telles, — ou l’instruction — fussent représentées dans l’Etat, étant des forces de la société.

Mais avec M. James Lorimer, il n’y a plus de doute ni d’équivoque ; et s’il la qualifie lui-même de dynamique, et si, quand il passe aux actes, il s’égare en d’inextricables combinaisons de nombres, la doctrine, en tant que doctrine, n’en est pas moins reconnaissable : c’est la théorie organique, puisqu’elle se résume en ces termes : « Envisager l’Etat comme un corps organisé, dont le régime représentatif et le suffrage qui le met en œuvre ont à recueillir les énergies, afin de les utiliser toutes… »

Sur quoi, l’un de ses commentateurs faisait les réflexions suivantes : « La différence fondamentale qu’on observe dans la société et qui se doit refléter dans l’Etat est celle des individus et des institutions sociales. A côté des individus travaillent, dans la vie, d’autres activités réelles et positives qui, — il le faut, — doivent avoir leur juste représentation dans l’Etat ; parce que, sans cela, l’Etat ne serait point l’image de la société, le parlement ne serait pas le miroir ni la photographie de la nation. Et tandis que, dans l’ancien système (le suffrage inorganique), le pouvoir dérive de la qualité de citoyens, commune à tous, dans le nouveau, chacun la tient comme membre de l’organisme où se déroule sa vie : église, université, commerce, agriculture, industrie, en un sens ; commune, province ou colonie, en l’autre. » Et le résultat, quel serait-il ? « Le parlement y recouvrerait la variété de composition qu’il a perdue : seulement, au lieu de ces élémens historiques, aristocratie, clergé, peuple, propriété, etc., il comprendrait ceux qui représenteraient les institutions, les organismes et