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Mais, par compensation, ils acceptent les classes, car les classes ne sont ni les castes ni les ordres — et ils donnent une définition docte, subtile et longuement filée, de la caste, de l’ordre et de la classe. N’eût-il pas même admis la classe (dans l’acception étroite et rigoureuse, on comprendrait qu’il ne l’eût pas admise) si Bluntschli a su voir — et il la fortement noté, — le défaut commun, le vice originel des systèmes électoraux qui partent de l’individu isolé, c’est là l’essentiel. L’essentiel est qu’il ait reconnu, — et il l’a hautement enseignée, — la supériorité comme base de l’élection des groupemens divers qu’il englobait sous l’étiquette, d’ailleurs vague, d’ « unions organiques locales » ou de « membres organiques du pays. » Ainsi, sa représentation organique peut être, en son arrangement, différente de celle de Held ou de Kosegarten, mais, tout de même et à coup sûr, c’est la représentation organique ; et comment la représentation, une représentation organique ne fût-elle pas sortie de la théorie organique de l’Etat ?

Mais ce qui reste vague avec Bluntschli se dessine, s’assemble et se précise avec Holtzendorff. Ce que sont les « unions organiques locales »/ Bluntschli ne nous l’a pas appris, mais Holtzendorff va nous l’apprendre. Adoptant, faisant sienne la doctrine de Mohl sur « la société, et la développant, il estime que la société n’est pas seulement une somme d’individus, mais encore et peut-être surtout une somme de « formations collectives. » Si bien que « les hommes qui vivent dans l’Etat ne doivent pas être considérés seulement connue des unités, indépendantes, autonomes, mais comme des parties ou des fractions de communautés d’intérêts, matériels, moraux ou intellectuels. » Ces communautés, il les énumère : les unes venant de la nature même : la famille, la parenté, autrefois la tribu ou le clan, maintenant la commune ; autrefois la race, maintenant la nation ; autrefois la caste, l’ordre ou la classe, maintenant la position sociale ; les autres, produits de la société, telles que : associations professionnelles (syndicats) ; corps de fonctionnaires ; corps savans, académies, universités, corps enseignans des degrés inférieurs ; associations religieuses ; communautés d’intérêts économiques ; grande et petite propriété foncière, urbaine et rurale ; métiers ; commerce en gros ou en détail ; capital et travail industriel.

Dans l’un quelconque de ces groupemens, dans au moins un, tout homme est engagé : ils sont en quelque sorte le lieu social de l’homme. De ce lieu social il faut faire le lieu politique. « Les nouvelles formes représentatives doivent tendre à représenter le peuple d’après la multiplicité de ses élémens constitutifs. » Et