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généralement connu aujourd’hui que sous le nom de Convento dei Penitenzieri[1]. Le palais a été originairement bâti (1470- 1490) par Domenico della Rovere, cardinal de San Clémente ; les armes de ce neveu de Sixte IV, ainsi que sa devise Deo soli, sont sculptées avec profusion dans les appartemens de l’intérieur. La cour spacieuse, avec ses colonnes octogones et sa décoration fruste en graffito, porte la marque de l’époque qu’à tort ou à raison on désigne du nom de Baccio Pontelli ; et au premier étage on peut admirer un ravissant plafond de Pinturicchio, moitié en fresque et moitié en stuc, avec de délicieuses représentations de centaures, sirènes, grillons et autres sujets mythologiques et allégoriques : il est seulement déplorable que les bons pères pénitenciers aient défiguré la magnifique salle par d’affreuses cloisons. Le cardinal Domenico mourut en 1501, et quelques années plus tard il est fait mention de son hôtel comme du quartier général des artistes qui, sous la direction de Bramante et avant la venue de Raphaël, étaient chargés de peindre les « chambres supérieures » du Vatican ; mais déjà vers 1509, ainsi qu’il ressort des Mirabilia d’Albertini, le palais devint la demeure d’Alidosi. Ce fut probablement un gracieux cadeau de Jules II, et le nouveau propriétaire se mit en devoir de décorer surtout splendidement la grande chapelle de sa résidence : décoration singulière, et on ne peut plus caractéristique ! Dans ce sanctuaire de la foi, rien ne parle de Dieu, tout est rapporté à l’homme, à deux hommes, le pape ligurien et son dévoué alumnus : on ne saurait imaginer d’antithèse plus piquante au Deo solide l’ancien fondateur… La chapelle, par sa construction, rappelle la Sixtine : c’est un long vaisseau rectangulaire avec une voûte en berceau ; sur chacun des deux tympans se dresse un grand chêne (l’emblème de Rovere) dont les rameaux de deux côtés ombragent un chapeau cardinalice et dont le tronc est traversé par une inscription quelque peu recherchée[2] ; la voûte est tout en carrés, où le blason du pape et celui du cardinal de Pavie (une aigle noire avec un lis blanc sur la poitrine) alternent sans cesse sur un fond d’or. L’intimité du maître et du serviteur est proclamée ici avec bien de la redondance et de l’ostentation ; mais il serait injuste de ne pas reconnaître la simplicité élégante et harmonieuse de l’ensemble.

Le croirait-on ? Ce favori et « nourrisson » de Jules II, — l’ami de Michel-Ange et d’Érasme de Rotterdam, le descendant, des antiques et illustres seigneurs d’Imola, et qui aux dons brillans

  1. Piazza Scossacavalli, n° 145, en face du palais Giraud-Torloma. Il est surprenant que M. Schmarsow ait passé sous silence le Convento dei Penilenzieri dans son ouvrage : Pinturicchio in Rom, Stuttgart, 1882.
  2. Agite mortales ocia, quos cibo et umbra quercus alit.