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une discussion scientifique sur les symptômes présentés par le délinquant, sur les circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi le fait, et sur leur signification anthropologique. »

Cette ère scientifique est, il faut le reconnaître, bien loin encore de s’ouvrir ; et comme nous ne voulons pas ici poursuivre des chimères, réclamer des réformes qui ne seront mûres qu’après de longues années, nous acceptons le principe du duel oratoire, comme un mal qu’il faudra subir encore longtemps. Nous ne réclamons aujourd’hui qu’une chose : l’égalité des combattans, « l’agression et la défense marchant d’un pié et d’une mesure », maintenues dans la loyauté et la sagesse par un énergique et impartial juge du camp.


VIII

Et d’abord, avant toute remarque, il nous faut deux réformes auxquelles suffiront l’architecte et le costumier. Pourquoi l’avocat général est-il assis sur cette estrade et à côté des juges sur un fauteuil pareil aux leurs ? Pourquoi, si la Cour entre ou sort, entre-t-il ou sort-il avec elle et par la même porte ? Pourquoi tous ces signes visibles d’une inégalité choquante entre l’accusation et la défense, inégalité que le Code d’instruction criminelle a malheureusement établie, mais que des pratiques mauvaises n’ont fait qu’accentuer ? Les ancêtres parlementaires des magistrats actuels du ministère public ne siégeaient pas à la Grande Chambre près des juges, ils se tenaient non sur l’estrade, mais sur le parquet de la salle, au rang des membres du barreau qu’ils tenaient à honneur de traiter en confrères. Le parquet, le barreau, c’est la poursuite, c’est la défense, c’est la lutte : le juge est au-dessus. Ainsi, que l’architecte renouvelle son plan et que, sur le parquet de notre Cour d’assises, l’avocat général se tienne désormais en face ou aux côtés de l’avocat son frère.

Et aussi que le costumier réserve la pourpre et l’hermine au président, au juge.

Puis, au bas de l’estrade, privé de son fauteuil, déchu de quelques pouces et revêtu d’insignes plus modestes, regardons l’avocat général. Est-il diminué ?

Il aurait tort de le croire, et, s’il comprend son rôle, il se sent au contraire mis à l’aise par les mesures qui rétablissent l’équilibre : il est en meilleure posture pour parler à ces jurés, qui s’inquiétaient de sa puissance sur le juge, il se sentira plus libre,