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et qui avait été aumônier de la reine Sémiramis. Il est très curieux de comparer les deux versions cosmogoniques. La ressemblance est grande, mais la supériorité de la Genèse hébraïque est considérable, même au point de vue purement philosophique. Je vous engage à la lire dans la version d’un autre juif nommé Cahen. C’est, à ce qu’il paraît, la meilleure de toutes les traductions de la Bible. Cela lui a fait une mauvaise affaire avec son Sanhédrin, qui ne veut pas qu’on lise les livres sacrés ailleurs que dans le texte original, et nous n’avons pas eu le courage de le nommer de l’Académie des Inscriptions.

Macaulay n’en est pas encore à l’expédition du prince Charles-Edouard. Il n’a pas même fini le règne de Guillaume III. Il n’a parlé qu’en passant des Highlanders, et ce n’a pas été pour faire leur éloge. On a brûlé son livre à Inverness à défaut de l’auteur, qui a pris la chose très gaiement. Mais il vous serait impossible de lire Macaulay. Il est beaucoup trop whig et protestant. Son livre fait prendre les Stuarts en grippe, et je crains qu’il ne les ait peints bien au naturel. Il a su cependant représenter Charles II comme un des plus aimables gentlemen du monde. Mais Jacques II n’était ni bon ni aimable, et par-dessus le marché il était fort bête. Je crois que vous avez toute raison au sujet de la comtesse d’Albany. Ce qui l’excuse, c’est que son mari se consolait de Culloden en buvant, et que lorsqu’il avait bu, il la battait. J’ai beaucoup connu M. Fabre qui était très homme d’esprit et qui avait été très beau garçon. Il a légué à sa ville natale de Montpellier la bibliothèque d’Alfieri et la collection de tableaux de la comtesse d’Albany, parmi lesquels il y a une admirable vierge de Raphaël. Si vous passez jamais par Montpellier, n’oubliez pas de la voir.

Comment expliquez-vous que des mécréans comme ces grands peintres du XVIe siècle en Italie, aient fait de si belles Vierges avec des expressions divines, tandis que M. Laprade, qui est, dit-on, fort pieux, fait de si mauvais vers sur l’Evangile ? Aussi l’avons-nous blackboulé l’autre jour à l’Académie, non sans peine toutefois, malgré dix-huit opiniâtres qui n’avaient pas lu une ligne de ses œuvres. Je crains, madame, d’être aujourd’hui plus méchant qu’il ne convient à la veille de la semaine sainte. C’est que je souffre horriblement. Je comprends très bien comment Jupiter eut recours au remède héroïque de se faire fendre la tête.

Bien qu’il n’y eût pas, que je sache, le moindre inconvénient à vous nommer dans l’affaire de l’église d’Ussé, j’ai dit qu’un habitant du pays avait donné 20 000 francs. J’exécute vos ordres sans les discuter.