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Rien n’y fit. Quand les gouvernemens ont reçu de leurs prédécesseurs un legs si séduisant et si commode en apparence, ils ne s’en dessaisissent pas aisément.

Aussi le texte de 1810 resta en vigueur, et l’interprétation qu’il avait reçue sous le premier Empire fut consacrée par de nombreux monumens de jurisprudence. Quelques criminalistes protestèrent en vain, l’œuvre de l’Empire et de la Restauration subsista, la loi qu’ils avaient créée nous régit encore.

Nous savons donc par qui est désigné le président d’assises : le Parquet l’apprécie, le ministre le nomme. Voyons à présent dans quel corps il est choisi.


IV

Il y a, nous l’avons dit, soixante-douze magistrats qui peuvent être appelés à diriger le jury criminel de la Seine. C’est un nombre élevé qui se décompose ainsi : le premier président, les neuf présidens de la Cour d’appel, soixante-deux conseillers.

Le premier président a une situation personnelle et privilégiée par rapport à la présidence d’assises ; il peut, quand il lui plaît et de sa propre autorité, s’attribuer cette haute fonction. Mais il y a bien longtemps, du moins à notre connaissance, que le premier président s’est abstenu d’user de cette prérogative.

Viennent ensuite les présidens de Chambre. Ils se consacrent aux affaires civiles qui, nous le verrons bientôt, ont « le pas » sur toute affaire criminelle, en vertu d’un préjugé aussi antique que peu justifié. Ils ne président pas la Cour d’assises.

Restent les conseillers ; c’est parmi eux qu’on désigne le président.

Les circulaires recommandent de le choisir parmi les conseillers attachés aux Chambres civiles. Mais même quand ils sont momentanément attachés à un service criminel, les conseillers sont tous, ou presque tous, des « civilistes », c’est-à-dire des magistrats dont la besogne quotidienne, depuis de longues années, consiste à statuer sur des procès civils, à juger des affaires de testament, ou de divorce, ou d’hypothèque, à s’exercer avec finesse sur des questions techniques, comme les incidens d’une belle saisie. Plus le conseiller choisi est un homme distingué, plus il est, par sa carrière passée et présente, étranger au droit criminel ; plus il est, par sa carrière future, destiné à franchir promptement, comme une étape quasi pénitentiaire, la présidence de la première Cour criminelle de son pays. Ceci ne saurait être nié. On peut parvenir au poste de conseiller à Paris par différentes voies ; certains de ces magistrats auront été quelque temps juges