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Déjà maîtres de l’Erythrée, ils continuaient autour de la frontière méridionale le cercle qu’ils avaient commencé à tracer le long de la frontière septentrionale et de la frontière occidentale. La prise de possession de la côte d’Erythrée avait isolé l’Ethiopie de la Mer-Rouge ; l’occupation de la côte somâl eut pour but de séparer le royaume éthiopien de l’Océan-Indien et de l’investir complètement du côté du midi.

Mue sans doute par ces considérations, l’Italie résolut de se substituer à l’Allemagne dans l’occupation du littoral somâl. Elle fit offrir ses bons offices au sultan d’Opia. Ce dernier, voyant que les promesses qui lui avaient été faites au nom de l’Allemagne n’étaient pas tenues, se laissa convaincre et fit demander, à la fin de 1888, au consul italien de Zanzibar la protection italienne. Aussitôt le chevalier Filonardi accourut à Opia, et à bord même du Dogali, le 9 février 1889, fut signé l’acte de protectorat. Le sultan des Medjourtines suivit l’exemple de son allié, le sultan d’Opia, et le 7 avril suivant accepta le protectorat italien. Ces traités furent notifiés aux puissances européennes, conformément à l’article 34 de l’acte de la Conférence de Berlin. Depuis Warsheik jusqu’au cap Bédouin par 8°30’ nord, tout le littoral, de par un trait de plume, fut ainsi placé sous l’influence de l’Italie.


III

L’établissement des Italiens à la côte somâl les a rendus les voisins des Anglais à la côte orientale d’Afrique. Ceux-ci, en effet, profitant du partage des États de Zanzibar, s’étaient implantés dès 1886 le long du littoral de l’Océan-Indien. La Compagnie anglaise, en contact avec les possessions anglaises de la côte de l’Afrique orientale, s’était fait accorder l’administration du pays depuis la rivière Wanga jusqu’à l’embouchure de la Tana avec les cinq ports de la côte de Ben-Adir : Kismayou, Brawa, Merka, Magadoxo et Warsheik. Mais, au lieu de contrecarrer leurs efforts comme l’ont fait malheureusement jusqu’ici les puissances européennes à la côte occidentale d’Afrique, Italiens et Anglais établis à la côte orientale ont eu la sagesse de comprendre que leur intérêt véritable est de marcher d’accord. Leur but était commun : la pénétration à l’intérieur de l’Afrique ; pourquoi ne se prêteraient-ils pas un mutuel appui ? Jadis, lors de l’occupation de Massaouah, le sentiment public en Angleterre et en Italie avait vu d’un œil favorable la possibilité d’une entente entre les deux nations pour la répression de l’insurrection mahdiste. Depuis, il