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philosophiques de toutes sortes par la fondation de sa revue si libéralement ouverte à toutes les doctrines ; est-il besoin de rappeler ces œuvres originales et durables sur l’hérédité psychologique, sur les maladies de la mémoire, de la personnalité, de l’attention, dont le savant professeur a lui-même enrichi la psychologie contemporaine ? Les études de Charcot, de MM. Richet, Binet, Beaunis, Pierre Janet, comme celles de l’école de Nancy, sur les phénomènes hypnotiques, ont répandu une lumière nouvelle sur l’inconscient et le subconscient. La thèse si neuve et si intéressante de M. Pierre Janet sur l’Automatisme psychologique aboutit à une conception d’ensemble où la conscience joue un grand rôle, et les conclusions de l’ouvrage nous semblent avoir une portée qui dépasse la psychologie pure. La science de notre époque est d’ailleurs de plus en plus curieuse de faits mystérieux, magnétisme, hypnotisme, télépathie, spiritisme ou même occultisme ; mais c’est pour en dissiper le mystère, tandis que les vrais mystiques et occultistes, eux, ne cherchent qu’à l’épaissir. Ce qui semblait surnaturel et miraculeux, le psychologue et le physiologiste le ramènent aux lois de la nature. Il se peut qu’il y ait des lois que nous ne connaissons pas, c’est même chose certaine ; mais ce sont toujours des lois. Ce qui nous paraissait naguère impossible peut être démontré possible, mais ce sera par des causes naturelles, comme les rayons X. On peut encore rattacher au mouvement de la philosophie positive, mais très librement et très largement entendue, les importans travaux de M. F. Paulhan sur la loi de systématisation et de finalité dans l’ordre intellectuel, moral, social, ainsi que ses ouvrages sur les caractères, sur les phénomènes affectifs, sur la philosophie de Joseph de Maistre, sur le nouveau mysticisme.

En même temps nous assistons à un fait d’importance majeure : l’avènement de la sociologie, qui est le commencement d’une ère nouvelle pour la philosophie théorique comme pour la morale et les sciences politiques. Tout le mouvement sociologique dont nous sommes témoins, et qui finira par ramener les questions sociales à des questions scientifiques, procède d’Auguste Comte. La réputation acquise par Stuart Mill et surtout par Spencer ne doit pas nous faire oublier que toutes les idées importantes qui ont fait l’honneur de ces philosophes se trouvent déjà, sous une forme souvent plus exacte, chez le fondateur du positivisme[1]. C’est ce dernier qui a établi des rapports scientifiques entre l’organisme collectif et l’organisme individuel, mais en maintenant, avec

  1. Voir les fortes études publiées ici même par M. Faguet.