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VIII

Conclusion. — Avant les découvertes de la paléontologie, les naturalistes ont cru à la fixité des espèces. Ils avaient constaté que les animaux semblables s’unissent entre eux et ont des produits féconds, tandis que les animaux différens ou bien ne s’unissent pas entre eux, ou, s’ils s’unissent, engendrent des produits inféconds. On était frappé de voir les unions des jumens et des ânes ne donner que des produits stériles. On a alors appelé espèces les assemblages d’individus qui donnent en s’accouplant des produits féconds ; ces espèces ont été regardées comme immuables.

Les zoologistes ont eu raison de dire que les modifications des êtres ne proviennent pas du croisement des espèces ; car s’il en était ainsi, les animaux d’une même époque formeraient un terne mélange de nuances insensibles, au lieu des admirables contrastes qui s’offrent partout, et on ne verrait pas apparaître de caractères nouveaux ; la nature tournerait dans le même cercle. Mais, parce que les changemens ne résultent pas de croisemens, ce n’est pas une raison pour nier qu’ils aient eu lieu. Les hyènes, les ours, les rhinocéros, etc., n’ont pas toujours été identiques avec les espèces actuelles. Les temps passés nous donnent le spectacle d’incessantes mutations. Voici, à mon avis, comment les choses se sont produites : des individus descendus de mêmes parens ont été modifiés simultanément en passant d’une époque géologique à une autre ; restant semblables entre eux, quoiqu’ils ne fussent plus semblables à leurs parens, ils ont continué à s’accoupler et à fournir des produits féconds. D’autres individus, ayant les mêmes parens, se sont différenciés, soit par suite d’un changement de milieu, soit par toute autre cause ; ils ont alors cessé de donner par leur union des produits féconds. Ainsi, à toutes les époques, comme de nos jours, il y a eu des êtres de même espèce et des êtres d’espèce différente.

Mais l’espèce n’a eu qu’une durée limitée. A la lumière de la paléontologie, il faut, je crois, remplacer les anciennes définitions de l’espèce par la définition suivante : L’espèce est l’assemblage des individus qui ne sont pas encore assez différenciés pour cesser de donner ensemble des produits féconds.

S’il n’y a pas eu de croisemens entre les différentes espèces, comment les transformations ont-elles eu lieu ? Lamarck, et M. Cope plus récemment, ont parlé de l’influence que l’exercice a sur les organes ; Darwin a étudié le rôle qu’ont joué la