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au point de former une trompe ; chez l’éléphant de l’Inde, suivant M. Blanford, et chez l’éléphant d’Afrique, d’après Delegorgue, l’odorat est extrêmement développé. Il ne l’est pas moins chez beaucoup de mammifères où le nez est moins proéminent. Chacun sait combien est fine l’olfaction du chien. Les récits des grandes chasses des Indiens de l’Amérique ou des explorateurs de l’Afrique et de l’Asie nous apprennent qu’il faut s’y prendre de très loin pour éviter de se mettre sous le vent des animaux que l’on cherche à surprendre.

Dans les sociétés humaines, la faculté de l’olfaction ne sert plus seulement pour découvrir ou apprécier les alimens, reconnaître les amis ou les ennemis ; d’utilitaire qu’elle était, elle devient une source de jouissances. L’homme se plaît à composer des parfums, il les classe et en fait une étude qu’on pourrait presque appeler esthétique. Ainsi nous pouvons assurer que le sens de l’odorat a été en se perfectionnant.

Histoire du goût. — Le sens du goût est réalisé dans des organes mous qui ne sont pas de nature à être conservés par la fossilisation ; cependant, en procédant par voie d’analogie des êtres anciens avec les êtres actuels, nous devons penser que le sens du goût a progressé durant le cours des âges.

En effet, bien que nous voyions plusieurs invertébrés, notamment des insectes, des mollusques choisir leur nourriture, nous ne trouvons pas chez eux d’organes de gustation bien caractérisés ; il est probable qu’il en a été de même chez les invertébrés du Cambrien et du Silurien.

Les vertébrés qui leur ont succédé ont été des poissons. De nos jours ces animaux ont un goût très obtus ; il ne peut en être autrement, puisque le palais et la langue, qui sont le principal siège de la gustation, sont souvent hérissés de papilles dures, ou même couverts de dents multiples et très grandes. Il devait en être ainsi dans les temps secondaires, car on y voit de nombreux poissons dont les mâchoires étaient garnies de dents serrées les unes contre les autres.

J’ai pu constater chez des reptiles primaires que le palais a été également muni de parties dures qui ont gêné la gustation. Une tête d’Actinodon, découverte par M. Frossard dans le Permien d’Autun, laisse apercevoir à la loupe sur les vomers et sur les ptérygoïdes une multitude de dents en carde, comme chez les poissons. Nous n’avons pas de motifs de supposer que les reptiles, si répandus dans les temps secondaires, aient eu un goût plus parfait que les reptiles actuels. Ceux-ci discernent les alimens qu’on leur présente : M. Vaillant a observé qu’on fait accepter facilement