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III. — DISPOSITIONS PERSONNELLES DE L’EMPEREUR ET DE SON ENTOURAGE EN FAVEUR DE L’ITALIE, APPUYÉES DE LA PRESSE LIBÉRALE

Dans un livre auquel j’ai déjà fait allusion plus haut[1], j’ai exposé dans tous ses détails le plan de Plombières, ainsi que la suite qui lui fut donnée par la guerre de 1859. Qu’il me soit permis d’y renvoyer également le lecteur pour le récit très circonstancié des faits d’ordre européen qui imposèrent à Napoléon III la nécessité de traiter brusquement de la paix à Villafranca, et de laisser ainsi momentanément inachevée la réalisation de son célèbre programme : « L’Italie libre des Alpes à l’Adriatique. » L’empereur éprouvait une sorte de sentiment d’humiliation d’avoir dû laisser Venise à l’Autriche, alors que ses proclamations l’avaient solennellement promise à l’Italie. Cette impression le porta à juger que les acquisitions du Piémont réduites à la Lombardie ne justifieraient pas des cessions de territoires piémontais à faire à la France. C’est dans cet ordre d’idées qu’au moment de se séparer de Victor-Emmanuel, il lui dit avec un soupir : « Vous paierez une partie des frais de la guerre et il ne sera plus question de Nice et de la Savoie[2]. » Et cette assurance d’abandon des prétentions françaises sur ces deux provinces fut encore répétée formellement plus d’une fois par son cousin, le prince Napoléon, aux hommes d’État piémontais[3].

Cependant, la paix de Villafranca ne satisfaisait personne, pas plus l’empereur et la France, qui s’en sentaient atteints dans leur orgueil, que le roi de Sardaigne et les Italiens, qui s’en trouvaient déçus dans leurs ambitions et dans leur patriotisme. Des obstacles surgissant de toute part la mettaient incessamment en échec ; les populations des duchés et des légations n’en voulaient à aucun prix ; le pape refusait hautainement la présidence honoraire de la nouvelle confédération combinée entre l’empereur des Français et l’empereur d’Autriche ; le traité de Zurich, destiné à donner aux préliminaires de Villafranca un caractère définitif de sanction diplomatique, y portait déjà lui-même une première atteinte : l’article 19 de ce traité, au lieu de confirmer la clause de Villafranca qui imposait la restauration des princes dépossédés, se borne en effet à mentionner leurs droits comme étant « expressément réservés ». Et d’ailleurs ce traité de Zurich devait lui aussi n’être qu’une lettre morte dans celles de ses parties qui touchaient

  1. Voir la Question italienne. Période de 1814 à 1860. Aperçus d’histoire politique et diplomatique, par G. Giacometti ; E. Plon, Nourrit et Cie, éditeurs, Paris, 1893.
  2. Nicomède Bianchi, Storia documentata, etc., t. VIII, p. 157.
  3. Vita di Francesco Arese, par R. Bonfadini, p. 220.