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P. S. — On nous demande une rectification que nous faisons d’autant plus volontiers qu’il s’agit de rendre justice à nos marins. Nous disions il y a quinze jours, en rappelant les circonstances dans lesquelles, en juillet 1893, la passe du Ménam avait été forcée, que nos navires avaient agi sans ordres, et nous avaient mis dans une situation assez différente de celle que nous poursuivions alors. Notre escadre était commandée par l’amiral Humann, un de nos officiers les plus distingués et les plus incapables de faire un coup de tête ; aussi ne l’en avions-nous pas soupçonné, et avions-nous pris soin de dire que les circonstances avaient été peut-être plus fortes que les volontés. Lorsqu’on tire sur des navires de guerre, ils doivent évidemment riposter : et c’est ce qui est arrivé aux nôtres à leur entrée dans le Ménam. Le traité les autorisait à remonter le fleuve jusqu’à un certain point, et c’est par une flagrante violation du droit des gens que les Siamois ont ouvert le feu. Nos marins ont pu croire qu’ils étaient tombés dans un guet-apens. Mais pourquoi étaient-ils entrés dans le Ménam ? Il est peut-être inutile de le rechercher aujourd’hui : nous reconnaissons seulement nous être trompés quand nous avons dit qu’ils l’avaient fait sans ordres, car nous avons vu ces ordres qui sont formels, et qui ont été donnés avec insistance, à deux reprises différentes, le 5 et le 7 juillet. Les seconds avaient été provoqués par des observations très sages de l’amiral Humann, qui n’avaient pas changé les résolutions premières du gouvernement. Si ces résolutions se sont modifiées par la suite et ont donné lieu à des instructions un peu différentes. lesquelles ont eu le tort d’arriver trop tard, c’est une autre question : elle est actuellement sans intérêt. Il semble bien que notre gouvernement a été un peu surpris des conséquences si rapidement produites par l’exécution de ses ordres ; mais ces ordres, il les avait donnés et même réitérés, et il n’y a de ce chef aucun reproche à faire à nos marins : ils se sont strictement conformés à leurs instructions. Une fois attaqués, personne ne leur reprochera d’avoir répondu à des coups de canon par des coups de canon. C’est ainsi qu’ils sont allés jusqu’à Bangkok, et si le fait a causé sur le moment quelques embarras à notre gouvernement, il n’en était pas moins correct autant que glorieux.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-général,

F. BRUNETIERE.