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conforte et devient sur-le-champ amoureux de la jeune fille. Elle résiste quelques jours à ses prières, mais un festin où elle a goûté à des vins trop généreux et un ballet où elle-même danse un pas fort oriental, lui font tout à coup oublier la couronne de Garbe. Ce paisible bonheur ne dure guère ; le jeune frère de Péricon, Marato, « beau et frais comme une rose », s’éprend de la maîtresse païenne de son aîné ; une nuit, il tue celui-ci, enlève Alaciel et l’embarque sur une felouque génoise en partance pour les ports de Romanie. Une fois en pleine mer, la princesse pardonne à son ravisseur le meurtre de son premier amant, mais les deux patrons du navire, jeunes et audacieux, la convoitent à leur tour et s’entendent pour partager fraternellement son amour. Un matin, comme le navire filait très vite, Marato, debout à la poupe, contemplait la mer ; les forbans le poussent par les épaules, et le voilà dans les flots. On avait couru plus d’un mille avant que la chute du jeune seigneur ne fût connue. Grande douleur pour Alaciel ; les deux capitaines s’efforcent de la consoler, et déjà elle leur sourit à travers ses larmes. Le moment était venu de la querelle classique à coups de couteau entre les deux prétendans ; l’un d’eux tomba mort, l’autre grièvement blessé. Cette affaire chagrine beaucoup Alaciel, qui débarque à Clarence, en Morée, et descend à l’hôtellerie en compagnie du cher blessé. Le bruit de sa beauté parvient vite aux oreilles du prince de Morée, qui lui rend visite et l’emmène en son palais où il la traite comme il ferait une épouse. Elle se remet bientôt de ses premiers ennuis et reprend toute sa gaieté naturelle. Le jeune duc d’Athènes, informé du demi-mariage de son cousin, vient lui rendre visite, s’enflamme comme il convient, une nuit, assassine le prince, le jette par la fenêtre de sa chambre à coucher, et n’oublie point d’étrangler l’officier qui lui a traîtreusement ouvert les portes de l’appartement. Alaciel dormait du sommeil de l’innocence. Le duc, à la faveur des ombres, joue le rôle de son défunt cousin ; puis, avant l’aube, met à cheval la dame éplorée et, suivi de ses spadassins, pique des deux sur le chemin d’Athènes. Comme il était marié, il cache sa conquête dans une villa voisine de la mer. La douleur d’Alaciel était extrême, mais dura peu ; elle se résigna à changer son blason féodal. Cependant les sujets du primat de Morée avaient découvert le cadavre de leur seigneur. Le frère du mort, qui héritait du pouvoir, s’empressait de lever une armée pour venger l’attentat. Le duc arme de son côté et demande l’aide de son beau-père, l’empereur grec, qui lui expédie son propre fils, Constantin. Le duc, plus imprudent que le roi Candaule, montre, par vanité pure, la princesse à son beau-frère, un louveteau qui va brûler de dévorer la tendre brebis. À l’ouver-