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La convention de Pretoria en 1881 établissait, il est vrai, une véritable suzeraineté de la Grande-Bretagne ; mais celle de Londres, qui la remplaça en 1881, ne fait plus aucune mention de cette suzeraineté. L’article qui traite des relations extérieures du Transvaal dit simplement ceci :

Le gouvernement du Transvaal accepte de ne conclure aucun traité ou engagement avec aucune nation étrangère autre que l’État libre d’Orange, ni avec aucune tribu indigène située à l’est ou à l’ouest de la République, sans l’approbation du gouvernement de la Reine, étant entendu que cette approbation sera considérée comme accordée si, dans un délai de six mois à partir de la signature du traité, Sa Majesté Britannique n’a pas fait connaître que le dit traité était en désaccord avec les intérêts de l’Angleterre ou d’une de ses colonies de l’Afrique du Sud. »

Il résulte clairement du texte que le Transvaal négocie lui-même ses traités ; a le droit d’avoir une représentation diplomatique à l’étranger ; et que l’Angleterre n’a qu’un droit de veto. Ce n’est pas un protectorat, puisque le Royaume-Uni ne représente pas la République dans ses relations extérieures. Bien moins encore y a-t-il une comparaison à établir entre ce qu’est le Transvaal et ce que serait l’Irlande après le home rule, comme le prétendait récemment lord Salisbury. Le Transvaal est indépendant, la proclamation même du Haut Commissaire au sujet de l’invasion de Jameson s’exprimait ainsi : « Attendu que c’est mon désir de respecter l’indépendance de la République sud-africaine... » ; toute intervention de l’Angleterre dans les affaires intérieures de cet État, toute entrée de troupes britanniques sur son territoire serait une violation des traités à laquelle les puissances étrangères auraient le droit et le devoir de s’opposer. Il est probable d’ailleurs qu’aucune nouvelle tentative de ce genre ne se produira. La fermeté avec laquelle M. Chamberlain a su arrêter net le docteur Jameson et ses flibustiers montre que le gouvernement anglais se rend compte des désastreuses conséquences qu’aurait dans l’Afrique du Sud, sinon en Europe, une nouvelle agression contre le Transvaal.


PIERRE LEROY-BEAULIEU.