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a évalué à 450 les squelettes des téléosaures réunis dans la pierre de Caen sur un petit espace. Chacun sait combien de découvertes ont été faites depuis quelques années dans le Jurassique américain. Durant les époques crétacées les êtres ne semblent pas avoir été moins nombreux.

Lorsque nous arrivons dans le Tertiaire, nous ne remarquons pas moins d’absences que lorsque nous avons passé du Primaire au Secondaire. Il n’y a plus d’ammonites, de bélemnites, de rudistes, de dinosaures, de ptérosauriens, d’ichthyosauriens, etc. Si nous pensons à tous ces disparus, nous pouvons croire que les forces vitales diminuent. Mais, si nous regardons les nouveaux venus, nous voyons des êtres de plus en plus serrés les uns contre les autres : la vie grandit encore. Les nummulites, les milioles et d’autres foraminifères forment par leurs accumulations des couches puissantes. L’Eocène de Paris, le Miocène de Bordeaux, le Pliocène d’Asti sont pétris de coquilles de mollusques. Les marnes d’OEningen, l’ambre de la Baltique renferment des insectes de toutes sortes. Monte Bolca est une étonnante réunion de poissons. Pendant les temps oligocènes, le lac de Saint-Gérand-le-Puy et ses rives ont nourri d’innombrables canards, des mouettes, des pélicans, des troupes de flamans, de Palœlodus, d’ibis et de grues, des passereaux, des rapaces diurnes et nocturnes. Il y a eu quelques bandes de Paloplotherium dans l’Eocène, de Prodremotheríum, de Dremotherium, de Cainotherium, etc., dans l’Oligocène. Cependant ce n’est guère avant le Miocène que les grands troupeaux ont été constitués ; les dicrocères de Sansan, les hipparions, les gazelles, les tragocères de Pikermi et du Léberon ont laissé des enchevêtremens d’ossement qu’on ne voit pas dans les terrains d’âge plus ancien.

Durant l’ère quaternaire, les animaux étaient encore nombreux dans notre pays ; M. Sirodot a recueilli les restes d’une centaine d’éléphant au Mont-Dol en Bretagne. Selon M. de Mortillet, Solutré, près de Mâcon, renferme les dépouilles de 40 000 chevaux ; les os de ces animaux ont été rencontrés dans les cavernes de Belgique en telle quantité que le nom d’hippophages a été donné à leurs habitans. Les débris de rennes se rencontrent à profusion dans les abris-sous-roche des Pyrénées, de l’Angoumois et du Périgord, et même auprès de Paris, à Montreuil. A l’époque où j’ai visité la grotte de l’Herm, chaque coup de pioche faisait apparaître une pièce d’Ursus spelæus. Il y a en Allemagne et en Angleterre des cavernes remplies de débris d’hyènes et d’ours.

Pour compléter cette étude de la multiplication des êtres, je vais jeter un regard sur ceux qui vivent maintenant. Ainsi pourrons-nous