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d’une forme spirale qui indiquent un intestin muni de valvules. Ces valvules retardent le passage des alimens et leur donnent plus de temps pour introduire dans l’économie leurs élémens nutritifs, avant que le surplus de la digestion soit expulsé. Il semble résulter de là que les animaux dont les intestins ont des valvules spirales n’ont point besoin, pour s’alimenter, d’une aussi grande quantité de nourriture, et que par conséquent ils font moins de victimes.

Enfin nous devons noter que plusieurs reptiles secondaires ont été vivipares. Nous avons dans le musée du Jardin des Plantes un Ichthyosaurus avec un petit dans son ventre, la tête tournée vers l’anus, prêt à sortir. M. Pumpecki m’a fait voir, dans le musée de Munich, un Ichthyosaurus qui a dans son ventre huit petits dont la tête est, au contraire, tournée à l’opposé de la queue. Les musées du Wurtemberg possèdent divers individus d’Ichthyosaurus avec un ou plusieurs petits. Il se pourrait aussi que les dinosaures carnivores eussent été vivipares ; on observe sur le Compsognathus du musée de Munich des débris d’un petit animal placé sous son ventre, et on s’est demandé si ce n’était pas un fœtus de ce dinosaure. Il est manifeste que la viviparité diminue beaucoup la reproduction. L’habile embryogéniste Gerbe m’a montré à Concarneau un Ange (Squatina) qui, pendant neuf mois, portait cinq petits dans son ventre, tandis que, durant le même laps de temps, une Roussette pondait deux œufs tous les huit à dix jours, soit soixante environ pour neuf mois.

Comme l’étude des reptiles secondaires, celle des mammifères tertiaires montre que les bêtes de proie n’ont pas entravé le développement du monde animé. Les mammifères les plus puissans étaient inoffensifs. Les premiers carnivores de grande taille ont été ceux que M. Cope a nommés les créodontes ; ils ont dû, pour la plupart, manger surtout des cadavres, à en juger par l’usure de leurs dents qui rappelle l’état où l’on trouve souvent les molaires des hyènes ; leurs coprolithes sont chargés de substance osseuse comme ceux de ces animaux. Dans la période oligocène, à côté des créodontes, se sont développés les Amphycion, chez lesquels la dentition, plus omnivore que celle de leurs descendans, les Canis, indique des mœurs moins sanguinaires. Les félidés les plus redoutables ne se sont multipliés qu’à partir de la période miocène, c’est-à-dire dans le temps où la classe des mammifères, parvenue à son apogée, a un excédent d’herbivores. Delegorgue, dans ses Voyages en Afrique, raconte que les troupes d’herbivores mangent tout sur leur passage, à tel point qu’à l’arrière garde il y a des sujets plus faibles qui deviennent très maigres