Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assurément sans peine que ce résultat fut atteint, mais notre diplomatie eut alors des facilités tout autres que celles qu’elle rencontra en 1870, lorsqu’elle se trouva à la merci d’une seule puissance implacable dans sa victoire. En outre, la solidarité du principe monarchique, qui était une des forces de la coalition, ne permettait pas à la majorité des souverains alliés de rétablir sur le trône de France la dynastie légitime, s’ils l’avaient déshonorée par avance, en lui faisant porter en quelque sorte sur elle-même, par le démembrement de notre pays, les sanglans stigmates de l’invasion. Lorsque, l’année suivante, Louis XVIII empêchait les Prussiens de détruire le pont d’Iéna, en menaçant de se faire sauter avec lui, le maréchal Blücher reculait malgré lui devant le principe de la solidarité monarchique, qui s’affirmait pour prévenir cette destruction. La coalition devait tenir au roi de France un autre langage que M. de Bismarck soixante-cinq ans après à Donchery, lorsque le général de Wimpffen, cherchant à obtenir des conditions plus favorables pour la France, lui parlait de la reconnaissance nationale. « On peut à la rigueur, lui dit le prince de Bismarck, compter sur la reconnaissance d’un souverain, ou même sur celle de sa dynastie ; on ne peut compter sur celle d’un peuple dont l’ingratitude serait, en quelque sorte, légitime envers son vainqueur. »

C’est en vertu de cette même force de la légitimité royale ; que le prince de Talleyrand put à Vienne empêcher la coalition frémissante de démembrer la Saxe notre alliée et donner à son langage assez d’autorité pour qu’à la fin du Congrès — on vient de le voir par la publication de sa correspondance — rien ne se fit qu’avec la France et par la France. C’est également grâce à ce principe que le duc de Richelieu à Paris, profitant de son ascendant sur l’empereur Alexandre, le détermina à résister en 1815 à la pression du gouvernement prussien qui voulait nous prendre l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté. Cette carte, avec la marque au crayon rouge, faite par l’état-major allemand et donnée par l’empereur Alexandre à l’ancien gouverneur d’Odessa, ne demeure dans la famille de Richelieu comme un blason d’éternel honneur, que parce que la solidarité monarchique empêcha les souverains de laisser dépouiller alors celui qu’ils venaient de rétablir sur le trône de ses ancêtres. Ils firent plus ; se modérant l’un par l’autre ils se relâchèrent de la dureté de leurs conditions premières, réduisirent, le chiffre des contributions de guerre que chaque État réclamait individuellement et évacuèrent notre territoire en 1818, deux ans plus tôt que ne l’avait stipulé le traité du 20 novembre 1815.

Voilà les enseignemens connus que nous trouvons dans