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l’on dit plus ordinairement, de la cathode[1] ; chaque point de cette cathode émet un rayon, perpendiculairement à la surface ; ces rayons de cathode, ou, suivant la terminologie courante, ces rayons cathodiques se propagent rectilignement, décelés par une lueur très faible, et donnent naissance, en rencontrant la paroi du verre, à une phosphorescence très brillante, accompagnée d’un échauffement notable. Les physiciens se sont efforcés de découvrir l’origine et la nature de ces rayons ; la plus remarquable des hypothèses qui aient été émises est celle de M. Crookes : la célébrité qui s’y est attachée a fait trop souvent croire que son auteur avait découvert les rayons cathodiques, et les tubes destinés à produire ces rayons s’appellent, même en Allemagne, tubes de Crookes.

Le physicien anglais a admis que, dans l’état de raréfaction extrême où ils se trouvent dans ces tubes, les gaz ont acquis des propriétés spéciales, que leurs molécules, en particulier, peuvent cheminer rectilignement d’un bout à l’autre sans se rencontrer et que leurs trajectoires constituent précisément les rayons cathodiques. Cette explication ne semble plus admissible depuis le jour où Heinrich Hertz a démontré que les rayons de cathode traversent non seulement le verre sous une épaisseur suffisamment faible, mais encore les métaux. Les rayons cathodiques ne peuvent être que des modifications de cet éther luminifère qui sert de véhicule à la lumière dans les espaces interplanétaires et interstellaires, et qui, d’après les théories de l’optique moderne, remplit l’univers entier, y compris l’espace occupé par les corps matériels. Pour couronner la découverte de Hertz, il fallait démontrer que ces rayons peuvent se propager dans le vide le plus parfait que nous sachions produire. C’est à M. Lenard, un des élèves de Hertz, qui a continué ses travaux, qu’était réservé ce mérite. Il a réussi à faire sortir les rayons cathodiques du seul milieu où jusqu’ici nous sachions les faire naître, en fermant un tube de Crookes par une paroi d’aluminium ayant de 1 à 2 millimètres de largeur et de 2 à 3 millièmes de millimètre d’épaisseur. Les rayons cathodiques traversent le métal, et on peut les voir se propager dans le vide absolu. Ce résultat est capital ; pour classer un phénomène, il faut, avant tout, savoir s’il consiste en un mouvement ou me modification de la matière sensible, ou s’il constitue un changement dans la manière d’être de l’éther.

Nous ne serons pas étonnés maintenant de constater, avec M. Lenard, que les rayons cathodiques se propagent dans l’air et dans les divers gaz ; la seule question que nous puissions nous poser est de savoir quel degré de transparence présentent les différens milieux.

  1. On appelle anode, d’un mot formé sur le grec ὁδός, le pôle positif, qui amène le courant, et cathode le pôle négatif, vers lequel le courant se dirige.