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de la loi de 1880 ne s’en cachait-il pas. « On vous a dit, — s’écriait-il, — que du rapprochement opéré dans l’ancien Conseil, entre les élémens de la société élevés au-dessus de l’État enseignant, la concorde était née, la paix était sortie ! Non ! la paix n’est pas faite, la lutte existe ; elle n’est pas née d’hier, elle ne finira pas demain. C’est pour qu’elle puisse soutenir cette lutte dans des conditions équitables que nous voulons donner à l’Université des chefs en qui elle ait confiance et qui aient confiance en elle. » Au moins est-ce parler clairement ; et, sans doute, nous entendrions, pour notre part, l’équité d’une autre manière ! Nous n’admettons pas non plus que les membres du Conseil supérieur soient les « chefs » de l’Université : nos sénateurs ou nos députés sont-ils les «chefs» de leurs électeurs ? Mais ce qu’il importe ici de bien voir, c’est uniquement le fond des choses, et que, dans l’intention avouée de ses auteurs, le Conseil supérieur de 1880 devait être un moyen de combat au service d’un parti politique.

Rendons-lui tout de suite cette justice qu’il ne l’est pas devenu. Plus libérale que le « grand maître » que lui avaient imposé les hasards de la politique, plus fière de son propre passé, plus soucieuse des intérêts de l’enseignement et du progrès des études que ne le pouvait être l’auteur des Comptes fantastiques d’Haussmann, l’Université de France a feint de ne pas entendre ce que l’on voulait d’elle, et le Conseil supérieur de l’instruction publique, ni dans les mains de Jules Ferry ni dans celles de ses successeurs, n’a été l’instrument de discorde ou de division qu’ils avaient rêvé. Est-ce que par hasard, dans la fréquentation de ces vieux auteurs que l’on se propose aujourd’hui d’achever d’exclure de nos programmes, — où cependant ils tiennent déjà si peu de place, — on apprendrait donc à se tenir droit et debout ? et nos politiciens craignent-ils justement que, dans la lecture de Cicéron ou de Démosthène, avec d’excellentes leçons de rhétorique, nos enfans n’y en prennent aussi de dignité, d’indépendance, ou de raideur même ? En tout cas, ce sont celles que nos professeurs y ont puisées ; et, depuis quinze ans, si ce n’est peut-être en matière d’enseignement primaire, — je dis peut-être parce que je n’ai pas assez étudié la question, — le Conseil supérieur n’a pas mal usé de son pouvoir. Puisque cependant il n’en existe pas moins dans son organisation un vice intérieur, et puisque il y sommeille comme un ferment de haine, dont les ravages pourraient être terribles si quelque circonstance venait à l’éveiller, nous ne pouvons qu’approuver un ministre ou un ministère de songer à l’en expulser.

Aussi bien n’est-ce là que le moindre défaut du Conseil supérieur