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annuellement vingt mille bacheliers de vingt mille candidats, mais réciproquement il ne dépend aussi que d’eux d’en ajourner vingt mille aux calendes grecques. Pourquoi ne le font-ils pas, si c’est leur droit, si ce serait même leur devoir ? Je pose en fait que le baccalauréat sera ce qu’ils voudront, et qu’il le sera dès qu’ils le voudront. S’il est une fois bien entendu que l’épreuve du baccalauréat est sérieuse, — je veux dire aussi sérieuse, toutes proportions gardées, que l’épreuve de la licence ou de l’agrégation, — vous serez étonné de voir comme le baccalauréat redeviendra promptement ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Les programmes, dit-on communément, et c’est bien mon avis, valent en tout et partout ce que valent eux-mêmes les hommes qui les appliquent. Mais quand des examens en sont la sanction, on peut dire avec une égale vérité que les programmes alors valent exactement ce que valent les hommes qui font passer ces examens. Nos professeurs de facultés sont-ils bien sûrs de ne l’avoir jamais oublié ?

Que si cependant, pour d’excellentes raisons, on les déchargeait d’une obligation qui semble leur être devenue si pénible, je ne crois pas qu’il y eût lieu de s’en plaindre ; et je conviens de grand cœur que la plupart d’entre eux trouveraient tout de suite un emploi plus divertissant, plus utile, et plus glorieux de leur temps. A la vérité, quelque homme politique, — de ceux qui réclament annuellement la suppression de la subvention de l’Opéra, — s’avisera peut-être à ce propos que nos professeurs de facultés, parmi leurs fonctions essentielles, ont justement celle de faire passer des examens. Et la preuve, dira-t-il, c’est qu’à Paris, par exemple, leurs émolumens sont d’un tiers plus élevés que ceux des professeurs du Muséum ou du Collège de France. Pourquoi cela ? quelle raison y a-t-il pour qu’un professeur de grec ou de latin en Sorbonne soit mieux traité qu’un Ernest Renan ne l’était au Collège de France, un Stanislas Julien, un Eugène Burnouf ? quelle raison pour qu’un professeur de physiologie générale ou de zoologie, s’il enseigne en Sorbonne, soit mieux traité qu’un Claude Bernard, un Milne Edwards, un Chevreul ? Oui, quelle raison ? On aura beau chercher, on n’en trouvera pas deux, et il n’y en a qu’une : qui est que les Claude Bernard et les Renan ne faisaient point passer d’examens. C’est ce que dira notre sénateur ou notre député ; et nous verrons bien alors ce qu’on lui répondra ; Mais nous, qui ne sommes point député ni sénateur, et qui ne parlons ici que dans l’unique intérêt des études, tel du moins que nous le concevons, nous aurions mauvaise grâce à user de ce genre d’argument, — et aussi nous en gardons-nous bien ! La France est assez riche et assez généreuse pour décharger, s’il le