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Voyons les choses comme elles sont. Parler de supprimer purement et simplement le baccalauréat, c’est se proposer de trouver un moyen de passer un second examen sans avoir subi le premier, et le projet, n’ayant rien que d’assez chimérique, n’a pas seulement besoin qu’on le discute. On ne saurait en dire autant de la substitution du certificat d’études au baccalauréat ; et c’est ici le point vif du débat.

Rien de plus logique au premier abord, de plus naturel et, si je puis dire. de plus « innocent ».Mais dès que l’on y veut regarder plus attentivement, une question se pose, plus innocente encore, qui est de savoir à qui le droit appartiendra de décerner ledit certificat d’études. Évidemment ce ne sera pas aux professeurs de facultés, puisque l’institution de ce certificat d’études aura d’abord eu pour objet de les décharger du baccalauréat ! Ce sera donc aux professeurs de l’enseignement secondaire, et nécessairement à ceux qui donnent cet enseignement dans les établissemens de l’État. — Empressons-nous de dire en effet que, pour notre part, nous ne voudrions pas qu’il en fût autrement, et nous estimons que là où il existe un enseignement d’État la collation des grades est et doit demeurer un droit régalien. — Mais qui ne voit la conséquence ? Si c’est l’État enseignant qui seul délivre les certificats d’études, on se flatte, et non pas sans quelque apparence de raison, que la substitution du certificat d’études au baccalauréat sera comme l’arrêt de mort de l’enseignement libre, et en particulier de celui que donnent à des milliers d’enfans les congrégations religieuses. Se rappelle-t-on encore la monstrueuse proposition du député Burdeau ? Il demandait que l’accès des grandes écoles fût généralement interdit à tous les jeunes gens qui n’auraient pas au moins « terminé » leurs études dans un établissement de l’État. C’est cette proposition dont on espère, in petto, que la substitution du certificat d’études au baccalauréat fera prochainement revivre les effets. L’État enseignant aura seul droit de délivrer des certificats d’études, et comme, pour certifier qu’un jeune homme a fait ses études, sa rhétorique et sa philosophie, dans un établissement de l’État, il faudra bien qu’il les y ait faites... je n’ai pas besoin d’en dire davantage. Ce que le fameux Article 7 n’a pas pu faire, de tarir dans sa source le recrutement de l’enseignement libre, on s’attend que la substitution du certificat d’études au baccalauréat l’opérera, et qu’ainsi, conformément à l’idéal napoléonien, on reconstituera, sur les ruines de l’enseignement libre, le monopole de l’enseignement de l’État.

Notez que pour ma part, et en d’autres temps, je ne m’en effraierais point. J’avouerai même que, s’il fallait opter, trouvant déjà la France bien petite et bien divisée, je ne serais point un très chaud