Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/610

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publié ses premiers essais, sa comédie satirique : l’Académie ou les Membres introuvables, et son « tableau politique à propos de lentilles » : Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier grand homme, signé de M. Beuglant, poète, ami de Cadet-Roussel.

La lettre suivante, envoyée à Renduel, mais adressée à tout le Cénacle, à Borel et à Gautier, à Nanteuil et à Duseigneur, déborde de belle humeur. Gérard s’y reprit à plusieurs fois pour l’achever ; mais il faut la lire tout d’un trait pour en mieux goûter la franche gaieté. Qu’il renseigne le libraire sur le trafic et le succès des livres français à l’étranger, qu’il se raille lui-même d’être sans un son vaillant, qu’il parle beaux-arts ou critique la dernière production de Mme Sand, il écrit toujours de verve, en homme ravi de causer avec des amis — à deux cents lieues de distance.


Marseille, novembre 1834.

Mon bon monsieur Renduel,

Voulez-vous me rendre un petit service ? Ce serait de faire demander chez MM. Heideloff et Campé, rue Vivienne, un livre allemand intitulé Die Tochler der Luft, je crois, drame de Raupach. Ils connaîtront bien cela chez M. Campé, quand même le titre ne serait pas exact. S’ils ne l’ont pas à Paris. mais ils l’auront, vous les feriez prier de le faire venir d’Allemagne et de me le garder à Paris, où je serai bientôt ; s’ils l’ont, vous auriez la bonté de me le faire envoyer sans perdre une minute par la poste chez M. Noubel, libraire à Agen (département de Lot-et-Garonne), pour M. Gérard Labrunie. Comme il faudra payer la poste et le libraire, et que je ne puis le faire d’ici, je vous prie de vouloir bien vous en charger (mais quant au livre, je crois que vous pouvez le prendre à crédit comme libraire). La poste peut coûter I franc et le livre 4 francs, ou un peu plus ou un peu moins. Ce faisant, vous me seriez bien agréable et bien utile, et je vous serais bien reconnaissant. S’il est impossible que le livre me parvienne 5 à 6 jours après l’arrivée de la présente lettre chez vous, il vaut mieux me le garder ; et si M. Heideloff n’a pas le livre, vous voudriez bien, dans tous les cas, le prier de le faire venir.

Maintenant, je vous prie de recevoir les salutations d’un heureux voyageur qui rentre à l’instant dans sa patrie avec autant de plaisir qu’il en avait eu en la quittant. La librairie belge infecte toute l’Italie d’une manière déplorable, mais vous le savez comme moi. C’est incroyable qu’il se vende autant de livres français en Italie sans que vous y, soyez pour rien. Des libraires de Gênes et de Livourne m’assuraient qu’il se vendait plus de livres français modernes en Italie qu’en France. C’est à Rome et à Naples qu’il s’en vend le moins. Mais c’est à Livourne qu’est la plus forte librairie (Marvilly) ; ils impriment même dans la ville, notamment Barnave, en un volume, dont il y a déjà deux autres éditions en Belgique.

Il me semble que, cela étant ainsi, vous pourriez bien gagner à publier des éditions à bas prix en Belgique : vous les gagneriez toujours de vitesse en imprimant là en même temps qu’à Paris. Cela est si vrai qu’à Florence les libraires attendaient encore avec impatience Volupté, qui leur était demandé partout et qui n’était pas encore arrivé de Bruxelles quand j’y ai passé vers le 15 octobre. Ils avaient également le Spectacle dans un fauteuil,