Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/593

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

négociation qui venait d’échouer. De l’autre, le désir qu’avait, au fond du cœur, le prince de Bismarck d’être agréable aux nouvelles provinces annexées, le rendait favorable à l’idée d’entrer en arrangement avec nous pour obtenir, par le moyen d’un compromis en faveur de l’Alsace-Lorraine, un régime douanier favorable à leurs intérêts.

Ces provinces se trouvaient, en effet, au point de vue industriel et commercial, dans une situation fort pénible. Le gouvernement allemand. ayant jugé à propos de conserver jusqu’au 1er janvier 1872, la barrière existant entre l’ancien Zollverein et les provinces nouvellement annexées, elles se trouvaient, par le fait, placées entre deux lignes de douanes. Leur maintien avait pour but d’empêcher l’importation, trop rapide en Allemagne d’un certain nombre d’articles d’origine française. accumulés en grande abondance dans l’Alsace-Lorraine. durant la période transitoire où ils avaient été admis en franchise de droit et qui n’attendaient que l’incorporation de cette province au Zollverein pour entrer dans la consommation de l’Allemagne. Par la loi du 17 juillet, l’empereur avait été laissé libre de fixer la date à partir de laquelle la ligne de douane serait établie à la nouvelle frontière, pourvu que ce fût avant le 1er janvier 1872. En laissant cette latitude au pouvoir exécutif, le Conseil fédéral avait voulu lui donner toute facilité quant aux arrangemens à prendre avec la France ; M. de Bismarck pouvait, de la sorte. nous accorder, pour un temps. la réciprocité d’importation en franchise de nos produits dans l’Alsace-Lorraine.

Il y avait donc là un terrain de négociations sur lequel et à l’occasion duquel nous pouvions donner satisfaction dans une certaine mesure, aux désirs des provinces annexées et obtenir, par suite. en échange de ce bon office, une évacuation plus prompte de notre territoire. Le comte d’Arnim négocia sur cette base. A Versailles, une convention qui fut signée, mais dont un des principaux articles, l’article 3, ne fut pas admis par l’Assemblée nationale. Nous voulions que le même délai d’entrée en franchise fut réciproquement accordé aux produits alsaciens en France et aux produits français en Alsace-Lorraine. et nous n’admettions pas inégalité de traitement que stipulait l’article 3. M. Delbrück, président de la chancellerie fédérale, que je vis à ce moment, me dit au contraire que l’Allemagne ne pouvait consentir à modifier cet article. Si elle le faisait, ce serait permettre aux produits français d’envahir indirectement le marché allemand. Plutôt que de concéder la réciprocité, on préférerait, me dit-il, voir abréger les délais accordés à l’importation alsacienne en France. C’est sur