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selon le mot de notre ambassadeur, « grandement formidable ». Ils n’avaient pas pardonné au gouvernement de Marie de Médicis, et, dans leur réserve taciturne, on sentait qu’ils ne lui pardonneraient jamais. Bouillon était, d’ailleurs, pour eux, un vieil allié, confident de tous les déboires et de tous les soupçons ; D’autre part, un politicien retors, ancien représentant des États en France, Aersens, soufflait sur le feu, tout en discutant, avec des argumens juridiques, la mesure de la gratitude que la République devait à la dynastie des Bourbons. Cette double action était très mollement combattue par notre ambassadeur à la Haye, Aubery du Maurier, diplomate silencieux et prudent, mais protestant convaincu, et correspondant assidu de Duplessis-Mornay.

Quand La Noue arriva en Hollande, il ne trouva que de froids visages. Il avait pour mission de dissiper les méfiances ; or, on se méfiait de lui.

Un envoyé du prince de Bouillon, Varigny, plaidait la cause des rebelles. Entre ces sollicitations diverses, les esprits étaient partagés. Les grandes querelles religieuses qui, à ce moment même, éclataient en Hollande, subordonnaient toute politique aux passions déchaînées. Le prince Maurice encourageait sous-main Aersens et conseillait de refuser l’envoi des 4 000 hommes réclamés par La Noue. Barnevelt au contraire se montrait favorable aux demandes de la cour de France. Les choses devaient trainer en longueur jusqu’au moment où les renforts deviendraient inutiles. En somme, la Hollande, citadelle du parti protestant, refusait toute créance aux protestations imprévues de l’évêque de Luçon.

En Allemagne, la mission de Schomberg auprès des princes avait un peu mieux réussi. Parti dès les premiers jours de janvier, il avait vu, en passant, le duc de Lorraine et avait obtenu de lui des promesses verbales de concours et de fidélité. Puis, il s’était acheminé vers tous ces petits centres où pullulaient des rivalités et des dissensions qu’il comptait bien mettre à profit : Saverne où se trouvait l’archiduc Léopold, Durlach où résidait le marquis de Bade, Heidelberg, séjour de l’électeur palatin ; « et, dit-il lui-même, si les princes protestans après m’avoir oüy, ne se comportent envers Votre Majesté, comme ils doivent, je leur taillerai, si je ne me trompe, plus de besogne avec les électeurs et princes catholiques qu’ils n’en sauroient de longtemps coudre ; car la défiance n’est pas malaisée à faire naître entre ces deux ligues. » Partout, c’étaient des troupes qu’il devait demander. Il en obtint presque partout, ou, du moins, des promesses. Après avoir vu les princes électeurs, Schomberg devait se rendre en Autriche, où la France était représentée par un agent