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mauvais, con occhi furiosi ; vous m’en répondez, Alberti, vous m’en répondez. »

Laissons parler encore un homme qui voit les choses de près, puisqu’il est dans le ministère, Brienne : « La tyrannie de l’autorité du gouvernement du maréchal d’Ancre et des trois susnommés, Barbin, Luçon et Mangot, étoit si grande qu’aucun des grands ne la peut supporter ; il fait des affronts aux uns et aux autres quand il se passoit quelque chose qui n’étoit pas agréable ; il est toujours en dessein de faire chasser et congédier le reste du Conseil et les secrétaires d’État qui ne dépendoient pas entièrement de lui, de faire changer les officiers des cours souveraines, ôter ceux qui sont près la personne du roi. En somme, son procédé étoit si insupportable, qu’hormis quelques particuliers qu’il faisoit grandement gratifier, toutes personnes de toutes qualités lui vouloient mal et le haïssoient (voire même ses propres domestiques), et à son occasion cette haine et malveillance alloit sur la reine mère, qui n’entendoit, voyoit et ne parloit à personne que par l’organe dudit maréchal, qui prenoit soin qu’aucun n’en pût approcher. »

Les étrangers, plus impartiaux encore, s’expriment de même : La violence du maréchal d’Ancre ne peut durer. Tout ce que les princes disent dans leurs manifestes est la vérité même. Leur cause suscite un applaudissement universel, et c’est tout le royaume qui parle par leurs bouches… Aujourd’hui, toute la haine se déverse sur le maréchal et sur sa femme, tous deux étrangers, tous deux haïs et détestes comme des furies et que toute la France a en horreur et en abomination. » Allez donc faire de la politique dans de telles conditions : quel respect inspirer au dedans ? quelle confiance au dehors ? Combien de temps, d’ailleurs, avait-on devant soi ; des semaines ? des jours ? Qui eût pu le dire ? Si quelques personnes, comme Rohan, faisaient crédit au ministère et affirmaient qu’il l’emporterait, la plupart pensaient le contraire et disaient tout haut que cela finirait mal pour les ministres et pour le favori.

Nevers, alternativement abattu ou fanfaron, jurait maintenant qu’avant peu, par lui et ses amis, la reine mère perdrait le gouvernement de la France et serait obligée de se retirer dans un couvent. Symptôme décourageant, cette sage et fidèle Madame de Guercheville avait manifesté le désir de céder sa charge de dame d’honneur de la reine, disant « qu’avant peu de mois, elle n’auroit plus lieu de l’exercer, la reine mère devant perdre son autorité et être reléguée à Florence. » Le pape faisait donner très confidentiellement avis à Marie de Médicis qu’il lui revenait de source très sûre (peut-être par les confesseurs) que dans