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qualité de sa nation ; avec moins de pointe d’esprit que de solidité de jugement, il est homme de grand cœur, de générosité et de bonne foi. » Le choix de Schomberg, dans les circonstances où l’on se trouve, est significatif. Jusque-là, Marie de Médicis, ayant tout subordonné au projet des mariages espagnols, suivait avec zèle les conseils venus de Rome ; on ne faisait rien à Paris sans consulter le nonce et l’ambassadeur d’Espagne. Ce n’est assurément ni l’un ni l’autre qui ont désigné Schomberg. Ils ont moins encore collaboré à ses instructions. S’il va retrouver les anciens amis d’Henri IV, c’est pour leur tenir un langage très différent de celui que la cour de France leur a fait entendre depuis la mort du roi défunt.

« La première chose que M. le comte de Schomberg doit avoir devant les yeux est que la fin de son voyage d’Allemagne est de dissiper les factions qu’on y pourroit faire au préjudice de la France, d’y porter le nom du roi le plus avant que faire se pourra, et d’y établir puissamment son autorité. » Ces paroles ont une allure qui n’est déjà plus celle d’une politique subordonnée. Ce grief, trop répété par les princes et par les protestans, est immédiatement pris corps à corps : « Vos premiers efforts consisteront à faire connaître que c’est une pure calomnie qui n’a d’autre fondement que la passion et l’imposture de nos ennemis, de dire que nous soyons tellement Romains et Espagnols que nous veuillions embrasser les intérêts, soit de Rome, soit d’Espagne au préjudice de nos anciennes alliances et de nous-mêmes, c’est-à-dire ou de ceux qui font profession de la religion prétendue réformée en France ou de tous autres qui haïssant l’Espagne, font particulièrement état d’être bons Français. » Si le nonce et l’ambassadeur d’Espagne eussent pu lire cette phrase, elle les eût éclairés et probablement surpris. N’est-ce pas assez encore ? « Une des choses les plus importantes à leur persuader (aux princes et républiques protestantes) est que nous faisons un extrême cas de leurs alliances et que nous avons un soin indicible de les conserver et, qu’en toute occasion ils recevront notre assistance. » Dans ces protestations, il faut faire, évidemment, la part du style diplomatique ; cependant, de telles paroles ont du poids ; les mettre par écrit, c’est laisser une bien grande latitude a l’homme de confiance, au protestant, à l’ami de « la cause » qui a charge de les répéter et de les commenter. D’ailleurs, le fond de la pensée se découvre dans un autre passage des Instructions : il s’agit de ces fameux « mariages espagnols » tant reprochés. L’apologie de la conduite de la reine est faite en des termes si habilement choisis que le plus farouche huguenot ne trouverait rien à y reprendre : on invoque les précédens historiques ; on assure que ces mariages ont permis de passer les