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cette célèbre famille d’archéologues, de diriger les fouilles officielles en même temps qu’il surveillerait les fouilles et entreprises des particuliers. Visconti eut en outre, à partir d’août 1878, la mission de décrire et de publier le nouveau Musée ; le tome Ier parut en 1782 ; il était, comme furent les suivans, l’œuvre d’Ennio Quirino. C’est Clément XIV qui a donné le Méléagre, la tête colossale de Faustine, l’Amazone et bien d’autres morceaux précieux de la galerie actuelle des statues ; mais Pie VI, qui eut un plus long règne, eut dans les travaux de construction comme dans l’enrichissement des nouvelles galeries la plus grande part. Le Vatican obtint par lui, grâce à d’intelligens achats, plusieurs des marbres retrouvés dans les fouilles du comte Fede, de Jenkins et d’Hamilton à la villa Adriana. Il entreprit une vaste fouille à Otricoli, l’ancienne Otriculum en Ombrie. C’est Pie VI qui édifia cette monumentale salle ronde où il plaça, outre l’immense vasque de porphyre trouvée dans les Thermes de Dioclétien, les pavages en mosaïque, la Junon Sospita et les pièces colossales prouvées à Otricoli, la tête de Jupiter, peut-être copie ou imitation du Jupiter de Phidias, la tête de Claude avec la couronne civique, etc. C’est lui qui dota la salle dite de la Croix grecque du sarcophage de Constance, du sarcophage d’Hélène, mère de Constantin, habilement restauré. C’est lui qui donna la série des Muses avec Apollon, la statue d’Eschine et tant d’autres. Ainsi se formait magnifiquement le Musée Pio-Clementino.

Toute cette activité savante et artistique et les nobles loisirs qu’elle suppose, qui faisaient de Rome un séjour si enviable aux étrangers, allaient être emportés dans la tourmente de la fin du siècle. Ce n’était plus de fouilles ni de collections qu’il pouvait être question. Ce Piranesi que nous avons vu agent du roi Gustave III pour les beaux-arts, « délivré de toutes autres affaires, étant nommé uniquement pour ces nobles objets, » comme le disaient ses instructions, en homme plus habile que scrupuleux, changeait ses batteries. Après la mort tragique de Gustave III, le gouvernement de la Suède, aux mains du duc de Sudermanie, régent pour le jeune Gustave-Adolphe IV, se transformait complètement, faisant alliance plus ou moins ouvertement avec le parti révolutionnaire ; et si l’on envoyait comme représentant de la Suède auprès des diverses cours italiennes le brillant comte d’Armsfeld, ami de Gustave III, c’était en réalité pour se débarrasser de lui. Piranesi, qui à ses fonctions artistiques était arrivé à joindre celles de consul, se mettait ostensiblement tout au service d’Armsfeld, mais lorsque celui-ci, lié avec tout ce monde d’émigrés français qui arrivait à Rome, favori à la cour de Naples de la reine Caroline,