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brusque poussée qui inquiétait si justement le ministre des finances en 1894. Le progrès des recettes, et les mesures d’économie prises à ce moment, ont heureusement ramené la garantie à 77 millions en 1894, et on espère descendre à 62 millions en 1895. Mais le nouveau recul des deux années précédentes a singulièrement ébranlé la foi du public dans l’allégement futur des charges, par le développement progressif et régulier du trafic.


Il importe, cependant, de remarquer que l’augmentation des charges tient en partie aux modifications apportées, depuis 1884, dans le mode d’établissement des comptes, en ce qui concerne les lignes neuves, modifications qui, en grevant fortement les exercices actuels, ont dégagé l’avenir de menaces inquiétantes.

Nous avons dit que les conventions de 1883 autorisaient les compagnies à capitaliser, chaque année, l’excédent des charges afférentes aux lignes neuves (intérêts des capitaux et frais d’exploitation), sur les recettes de ces lignes. Le compte spécial ainsi ouvert, sous le nom de compte d’exploitation partielle, pouvait comprendre les lignes concédées en 1875, aussi bien que les concessions nouvelles de 1883, et ne devait être fermé qu’après l’entier achèvement de ces dernières. Comme les lignes dont il s’agit donnent, en moyenne, des recettes dépassant à peine les frais d’exploitation, ce système équivalait à ajouter au compte d’établissement les intérêts composés de tous les capitaux à dépenser par les compagnies, en travaux neufs, pendant une longue période. Dès 1884, les déficits ainsi capitalisés atteignaient 23 millions, dont près de 17 pour la seule Compagnie de Lyon. Si l’on eût continué à appliquer le même régime dans les exercices suivans, ces déficits auraient grossi jusqu’à atteindre aujourd’hui de 45 à 50 millions ; ils devraient continuer à grossir encore, tant par le jeu des intérêts composés que par les dépenses nouvelles, pendant une quinzaine d’années.

Conçu dans la double hypothèse que la période de construction des lignes neuves serait d’une dizaine d’années, et qu’à son expiration les recettes des anciennes lignes excéderaient largement le revenu garanti, ce régime devenait souverainement imprudent, du moment où il pouvait fonctionner pendant vingt ou trente ans, rejetant sur l’avenir des charges que les plus-values du produit net de l’ensemble du réseau ne semblaient plus devoir couvrir. Dès 1888, nous signalions ce danger, d’autant plus sérieux qu’en dissimulant une partie des déficits, on s’exposait à perdre de vue la gravité de la situation des garanties. Les Chambres et le gouvernement s’en émurent, et une série de conventions passées de