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que l’on peut critiquer. Mais, en voyant l’énormité des charges qu’il entraîne, on doit se demander s’il n’a pas été étendu à des lignes vraiment trop coûteuses pour les services qu’elles rendent ; si, dans beaucoup de cas, la part contributive des populations intéressées n’a pas été réduite outre mesure ; enfin et surtout, il faut reconnaître qu’on a été un peu vite, depuis vingt ans, dans la voie des dépenses et des dégrèvemens, en matière de chemins de fer comme en beaucoup d’autres. Dans le système d’association établi chez nous entre l’Etat et les compagnies, la sagesse voudrait que l’Etat n’accrût ses charges, pour les lignes neuves, que dans la mesure où les charges assumées pour les lignes anciennes s’atténuent par le développement du trafic. Ni les auteurs du grand programme de travaux publics de 1879, ni ceux des conventions passées en 1883 pour ne pas abandonner l’exécution de ce programme, ne croyaient sortir de cette mesure. Le développement des charges budgétaires, depuis cette époque, a prouvé qu’ils s’étaient singulièrement trompés. Quelle est, dans les déceptions subies à cet égard, la part des erreurs qu’il eût été possible d’éviter, et quelle est la part des événemens impossibles à prévoir ou des fautes commises depuis lors ? C’est là une recherche historique, qui peut contenir d’utiles enseignemens pour l’avenir.


Avant d’entrer dans les détails, nous croyons utile de placer sous les yeux du lecteur un tableau graphique qui résume, sous une forme saisissante, la marche générale des dépenses et des recettes du réseau des chemins de fer d’intérêt général, depuis l’année 1872, la première après la mutilation de notre territoire.

De 1872 à 1894, la longueur moyenne des lignes en exploitation chaque année a plus que doublé, passant de 17 438 à 35 973 kilomètres, tant par la construction de lignes nouvelles que par l’incorporation de chemins de fer d’intérêt local. Le capital dépensé, au 1er janvier de chaque année, sur les lignes en exploitation pendant l’année, a suivi une marche parallèle, passant de 8 033 à 15 437 millions. On peut s’étonner que le capital d’établissement croisse presque aussi rapidement que la longueur kilométrique, alors que les lignes secondaires, qui se construisent actuellement, sont bien moins coûteuses que les grandes artères, qui comportent un excellent profil et des installations de gare beaucoup plus importantes. Mais il ne faut pas oublier que le capital d’établissement ne s’accroît pas seulement du coût des lignes neuves : les travaux complémentaires, les augmentations de matériel roulant nécessaires sur les anciennes lignes, jouent, dans son accroissement, un rôle presque égal. C’est ce qui explique que, même depuis le ralentissement des travaux neufs, cet